Diên Biên Phu n'a pas vraiment pour moi une valeur sentimentale quelconque, mais la guerre d'Indochine de manière plus générale bien. Un membre de ma famille, ayant combattu là-bas, m'a donné cette chance de me raconter, une seule fois, quelques bribes de ce que représentait le conflit là-bas. Il servait dans la Légion étrangère.
La guerre d'Indochine est déjà un très long conflit, débutant en 1946 pour s'achever en 1954 avec la fin des hostilités, après les accords de Genève après la bataille de Diên Biên Phu. Elle est évidemment la plus emblématique de cette guerre, amenant la scission du Vietnam en deux, et dure plusieurs mois. Les hommes s'enterrent dans les tranchées, comme en 14-18 et affrontent un ennemi situé sur des hauteurs, en nombre, dont les troupes sont très souvent relevées. Les Français ne peuvent accéder à Diên Biên Phu que par voie aérienne et si le parachutage de matériel, de vivres, de munitions a toujours suivi, celui des hommes a nettement fait défaut.
Le point le plus intéressant du livre de Bruge demeure dans le fait, comme certains autres écrivains, qu'il s'intéresse à la dimension humaine de ce conflit. Bruge sait de quoi il parle. Il a vécu le conflit, de la même manière qu'un Schoendoerffer et est capable de relater la bataille. Un énorme travail de recherche a été effectué, mais une grande partie du bouquin tient des correspondances qu'il a eu avec d'anciens soldats ou membres de personnels présents sur les lieux de la bataille.
En plus de cela, Bruge possède énormément de correspondances de soldats envoyées à leur famille. Le plus "dur" étant de constater que dans la moitié d'entre elles, les hommes perdront la vie durant ces combats. Diên Biên Phu est intéressant aussi par ce fait, c'est de donner un visage humain à un tel conflit. Les anecdotes sont nombreuses et surtout, elles montrent parfaitement la confiance des soldats d'abord, leurs inquiétudes ensuite et enfin leur usure et leur souhait de voir les combats cesser, cette guerre inutile prendre fin.
Car, même en Indochine, les soldats sentent et savent que la guerre là-bas n'est plus soutenue par l'opinion, que le Viet-Minh mérite son indépendance et que, de manière générale, les colonies prennent fin. C'est bien dans tout ce travail, dans toutes ces paroles laissées aux hommes qui ont vécu la bataille et surtout la prison en pays Viet que le livre gagne à être lu. Par exemple, on constatera dans les paroles que pour bon nombre de soldats français, les Viets étaient plus résistants et plus fanatiques encore que les Nazis ou que les geôles Viets furent de vrais mouroirs pour de nombreux prisonniers.
Le point relativement négatif de ce livre demeure certainement l'aspect trop centré sur la bataille la plus emblématique du conflit. Très honnêtement, un ouvrage de plus sur le côté expliquant les tenants et les aboutissants du conflit, une idée plus générale de la situation n'aurait pas été de trop. Mais Bruge donne des pistes à ce sujet et propose en tout cas un livre complet et une vision très intimiste de cette bataille.
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