[C'est en écrivant un texte sur l'Homme des Bois de Pierric Bailly, qui m'est venu en mémoire ce livre sur la mort du père qui me paraît un des plus belles écritures que j'ai eu l'occasion de lire sur ce thème.]
Magnifique récit sur son père et sur le regard de l'enfant qui observe, comprend à son hauteur, construisant son monde familial. Jusqu'à l'évolution de leurs buts dans la vie, de leurs choix, progressivement éloignés.
Dans le livre de Jean-Claude Tardif nous rentrons, à petits pas, dans le cadre familial autour du père, celui qu'il a partagé mais aussi celui qui plus tard nous sommes en droit de recréer.
Nous sommes dans les années soixante, et par touches, par séquences, dans un milieu populaire, fraternel, dur à la tâche, fier et combatif dans sa vie. Avec une infinie finesse, ce sont les mots, les images, les descriptions précises et ouvertes où leur histoire se construisait, leur complicité silencieuse s'élaborait. Là où un petit garçon a du mal avec les mots, la lecture. «J'étais, je dois l'avouer, un élève indécis, de ceux qui très tôt savent la terrible magie du doute. Mes mots se figeaient au bord de mes rêves...» Il va savoir y faire, et prendre ce vocabulaire qui lui échappe et dont il s'appropriera pour devenir écrivain... et un jour écrire cet émouvant récit, qui m'a aussi parfois submergé d'émotion.
Il me paraît très juste et je m'en approprie du premier paragraphe de la préface de Philippe Claudel au livre de Jean-Claude Tardif, qui me semble aussi bien en phase avec le livre de Pierric Bailly:
«Si rien de tragique ne s'en mêle et n'inverse le cours des vies, les destin des fils est un jour de perdre leur père. D'un coup, quel que soit leur âge, ils deviennent alors vraiment grands, et seuls aussi, dans l'étonnement de cette solitude dont ils ne savent trop quoi faire, et dans l'impossibilité douloureuse de poursuivre une conversation entamée depuis l'enfance ou, pour certains d'entre eux, reportée depuis l'enfance tant il est difficile parfois de parler à ceux que nous aimons et qui sont proches de nous».