L'ordre international du mérite
En l'an 2000, on lisait la spirale, on suivait RTMark, on téléchargaient comme des malades avec un modem 128kb, on entrevoyait les lendemains qui chantent, dopés à la démocratie et à l'art numérique. Le capital n'avait pas droit de cité, et l'éclatement de la bulle nous donnait raison. C'était punk, c'était chouette !
10 ans plus tard, ce bouquin présente les choses très différemment.
Car finalement, le net n'est qu'une étape supplémentaire dans le cycle de la lutte des classes. Des millions d'anonymes qui bruissent sur la toile ... et quelques uns qui tiennent les ficelles : bienvenue à l'ère de la Netocratie.
En quelques pages, les auteurs expliquent comment le pouvoir est passé de mains en main à travers les âges, d'abord dans celles des propriétaires fonciers, puis dans celles de ceux qui détenaient les moyens du capital pour arriver aujourd'hui et demain dans celles de ceux qui contrôlent les flux d'information.
Un point de vue intéressant soulevé par les auteurs : sur le net, on observe un très bel exemple de darwinisme appliqué.
Car ceux qui tiendront les rênes ne sont pas ceux qui auront eu une enfance dorée et les meilleurs professeurs, non, ce seront tout simplement ceux qui auront la chance d'avoir les qualités requises pour surmonter les obstacles. La sélection naturelle va favoriser ceux qui ont des capacités d'adaptation, de mobilité, de lecture et d'apprentissage permanent, le goût pour le réseau (social), la capacité à se refaire, etc.
Bref, tout l'inverse de ceux qui sont nés une cuillère en or dans la bouche (Zuckerberg c'est le prototype...)
Les auteurs n'y vont pas avec le dos de la cuillière et parlent même d'un paradigme : les puissants de demain sont le reflet inversé des puissants d'hier. Ils sont intéressés par l'innovation et la créativité avant de penser à l'argent (ouf, on a pas tout perdu du fond de pop-culture).
La lutte des classes ? Le darwinisme ? La méritocratie ? C'est froid, c'est dur et les auteurs sont tellement fascinés par leur théorie que c'en est parfois agaçant.
En définitive, le net d'aujourd'hui est au réseau ce que Daniel Craig est à la série James Bond (ou le Batman de Nolan à celui de Burton) : une sorte de représentation désenchantée, mais avide de justice et déterminée à casser les puissants pétés de thunes.
Ca manque un peu de romantisme mais on apprécie la droiture intellectuelle et l'égalité des chances. Un moyen d'inverser la vapeur après le gâchis des 40 dernières années du XXe?
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