Ce qui laisse songeur après la lecture des Sept mariages d’Edgar et Ludmilla, est qu’à travers le mystère et le trouble que comporte l’amour, ce dernier fascine le lecteur/lectrice que nous sommes.


L'amour ne doit pas être autant théorisé de manière scientifique, que d’en faire l’objet d’une blague. Dans le sens où l’amour est sincère en soi. Paradoxalement, l’histoire de cette romance qui nous ait décrite tout le long de ce livre ne doit être prise au sérieux, comme nous le rappelle le narrateur. C’est avant tout une question de s’apprécier et de s’amuser de la vie, des normes du monde « moderne » en incarnant cet état bohème de l’amour. Sans toi, ni avec toi. Tel est la manière dont ces deux personnages ont voulu vivre.


Là où la romance est censé être une évolution croissante des sentiments avant la déclaration, le livre prend cet aspect à contre-pied en illustrant une manière de vivre à travers des séparations et des retrouvailles. L’histoire de leur couple ainsi que la promesse de ne jamais se quitter revient de loin. C’est par cette anecdote qui nous est conté, et ainsi leur expérience de vie, qu’elle rompe avec les codes narratifs des récits de romance qu’on nous a inculqué à coups de poutre. Par le monde moderne voire patriarcale, et par la fiction.


Pour illustrer ce dernier cas, les phrases ou expressions où les personnages jurent par « je la perdrai », « mon cœur appartient à », « je te la reprendrai » et « maintenant et pour toujours » illustrent non seulement la niaiserie totale des sentiments, et surtout un pacte qu’on aurait conclu, un acte d’union jusqu’à la mort. Il n’y a pas ici la simplicité d’une déclaration. Pour Edgar et Ludmilla, cette union se construit au fil du temps, comme une longue vie de fiançailles sans fin. Que cet accord de vivre à deux tel quel ne les regardent qu’eux. Mais cette liberté d’aimer tout en n’appartenant pas à l’autre comme un bien doit nous inspirer. Chez les hommes comme les femmes.


Honnêtement, on ne peut savoir si vivre seul est forcément triste. Mais qu’on ne fasse pas une fixette sur le désir d’avoir de la compagnie, un copain ou une dulcinée. Ou plutôt parce qu’on ne veut pas finir seul par peur. Si nous devons tout justifier pour ne pas se sentir malheureux, alors sommes-nous esclaves de nos désirs et de nos envies ? (Même si ce point est exagéré. Il y a toujours une distinction entre désir et envie. La question concernerait plus les pulsions et notre faculté à les repousser pour ne pas en être prisonnier. Ce n’est pourtant pas le sujet.)


Cet état de vivre séparé l’un de l’autre est ce qui se répétera tout au long de leur vie. Même remis d’une rupture, chacun apprendra à reprendre goût à la vie notamment avec la cuisine, le sport, ou en étant curieux sur le monde qui les entoure. En somme, ils font leur vie chacun de leur côté en prenant du plaisir, en n’étant pas contraint par l’autre. Ce qui fait place au quotidien, exactement comme celui d’un couple. Un quotidien qui fait partie de ce que l’essayiste Francesco Alberoni nomme « l’amour naissant » :

« Les deux pôles de la vie quotidienne sont la tranquillité et la déception ; ceux de l’amour naissant, l’extase et le tourment. » (1).

Malgré chaque rupture ou divorce, Edgar et Ludmilla garde une image de l’autre au fond d’eux-mêmes, un désir de revoir l’autre.


Pour finir, l’amour et le désir de ressentir peut être vu au court terme comme sur le long, une relation ponctuée de moments où l’on est proche et où l’on s’éloigne de par la banalité du quotidien. Les premiers chapitres nous résument les débuts d’une relation comme étant le plaisir d’une rencontre. Par la suite, les divorces et mariages incessants (des actes qui deviennent plus une formalité purement administrative) d’Edgar et de Ludmilla nous sont décrits par cette distance. Et avec le contexte de leur première rencontre et ce lien secret que les tourtereaux entretiennent, nous avons ici une description des amoureux bohèmes.


(1) : ALBERONI Francesco, Le choc amoureux (titre original : Innamoramento e amore), 1981, éditions Ramsay, Pocket, p. 49.

Paprikacr
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 13 nov. 2022

Modifiée

le 13 nov. 2022

Critique lue 84 fois

PapriKa

Écrit par

Critique lue 84 fois

D'autres avis sur Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla

Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla
Paprikacr
8

Les amoureux bohèmes

Ce qui laisse songeur après la lecture des Sept mariages d’Edgar et Ludmilla, est qu’à travers le mystère et le trouble que comporte l’amour, ce dernier fascine le lecteur/lectrice que nous...

le 13 nov. 2022

Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla
punkryden
7

Un Ruffin divertissant mais un peu vide

J'avais commencé Le Suspendu de Conakry (2018) acheté dans un Relay à la gare de Saumur. Je l'ai finalement abandonné car malgré que l'écriture de Rufin soit au rendez-vous, le fond était absent. Une...

le 17 janv. 2022

Du même critique

TRILOGY
Paprikacr
10

Puissance ténébreuse pouvant provoquer de la transe

Une des musiques (Escape from Midwich Valley) que j'ai découvert grâce au trailer de Hotline Miami 2 m'a vraiment surpris. C'est comme de la musique électro dubstep, capable de vous plonger dans un...

le 25 avr. 2015

6 j'aime

Midnight Animal
Paprikacr
6

Les brebis ont dévoré le loups

Dommage. J'étais curieux que voir un nouveau jeu faisant suite au psychédélique Hotline miami 2, et ce, crée par un fan. Et aussi j'ai été déçu en voyant ce qu'allait être le jeu avec la dernière...

le 5 févr. 2018

2 j'aime

ClusterTruck
Paprikacr
8

Attention ! Ce jeu requiert des réflexes de ninja. Score : 159 min 3s

Grâce à la vidéo de Squeezie posté en mi février 2016, ce petit jeu actuellement en alpha, nommé Clustertruck, a attiré mon attention. Vous jouer ici à la première personne et vous devez montez sur...

le 5 mars 2016

2 j'aime

3