Les tribulations du dernier Sijilmassi par François CONSTANT

"Les tribulations du dernier Sijilmassi" de Fouad LAROUI (Ed; Julliard, 2014) est un roman désarçonnant.
Pas facile à lire. J'ai mis du temps à rentrer dans ce que je crois être la pensée de l'auteur, à tout le moins l'approcher quelque peu.

Adam, ingénieur spécialisé dans la vente de bitume, un peu partout dans le monde, a une révélation, une épiphanie: "Qu'est-ce que je fais là, dans un avion volant à trente mille pieds et propulsé à une vitesse supersonique? Quel est le sens de cette course perpétuelle, de cette accélération de la vie, pourquoi faut-il toujours aller vite, plus vite, trop vite?" Adam décide de démissionner, partant, de perdre tous ces nombreux avantages sociaux que lui conférait son titre de cadre.
Et Adam va partir, à pied, vers sa terre natale. Il veut relier sa vie à celle de ses ancêtres. Il veut retourner sur ces terres qui ont vu vivre son père et son grand père. Il veut y réfléchir et méditer sur ce qui fonde sa vie. Sa démarche est tellement hors normes qu'elle suscitera bien des questions auprès de ceux qui seront témoins de ses tribulations. Et Adam va mesurer la complexité de sa pensée intuitive en réalisant la difficulté qu'il aura à se faire comprendre.

Le rythme d'écriture est lent, semblant lourd, chargé de digressions, de nombreuses références philosophiques, d'extrapolations imaginaires qui mettent à rude épreuve ma volonté de lecteur d'aller droit au but.
Et justement, c'est là un des propos de l'auteur. Tout au long de son livre (dans lequel j'ai fini par rentrer et que j'ai donc lu avec bonheur) Fouad LAOUI va dénoncer les erreurs et la faiblesse de la pensée conceptuelle quand elle se refuse à interroger chaque mot, chaque idée reçue. Tout y passe, tout est questionné. Quel est le sens de la cadence du monde? Pourquoi chacune de nos sociétés se présente-t-elle comme la seule détentrice du bon pouvoir, de la bonne religion? Pourquoi l'Etat se donne-t-il le droit d'imposer une raison d'Etat pourtant bien souvent bancale et au seul service de ceux qui veulent prendre (encore un peu plus ou plus longtemps) le pouvoir? Est-il possible de permettre à plusieurs courants de pensée de coexister pacifiquement? Est-il seulement possible de se fare comprendre en posant les bons mots sur les idées qui nous habitent? Et pourquoi l'Occident (au travers des nombreuses références littéraires qu'on retrouve dans ce roman) se présente-t-il historiquement comme le berceau des grands courants philosophiques qui, tous, avaient déjà été énoncés par les civilisations antiques, grecques, romaines, arabes? Est-il possible de se positionner entre les extrêmes? Doit-on être fatalement pour l'un et donc contre l'autre? ...

Toutes ces questions, le livre les soulève, ouvre des pistes de réflexion, permet des remises en question... mais c'est à chacun de trouver sa voie et de prendre le temps de marcher lentement vers son intégrité humaine, son Adam originel...

Un roman qui propose un choc des cultures et qui secoue chacune d'elles au coeur même de ses croyances.

Créée

le 7 déc. 2014

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