Un petit goût de passé dans l'expression qui se traduit par un langage châtié, fleuri et de parfaite éducation, un parfum d'antan dans le récit de l'agencement de la ville de Liège en ces temps-là, de ses moyens de locomotion, de ses centres de vie et de ses activités culturelles qui ravivent en nous les souvenirs que nous contaient nos parents à propos des Foires, celle d'octobre, celle de l'Est, des corsos fleuris de la vallée de l'Ourthe, de la vie en pensionnat et des premiers émois qui mettaient des jours et des semaines avant que de se déclarer. Et puis, un zeste de critiques, virulentes parfois et bien senties, à l'encontre des disciplines de couvent, des directeurs de conscience, du noviciat, des 'dames patronnesses' et de la pensée catholique rigide (et parfois si peu chrétienne) que la belle jeunesse se devait de poursuivre pour éviter d'être "comme ces gens-là!", gens du voyage, saltimbanques pour lesquels on sent, chez l'auteur, un amour profond et du respect.
Avec sa plume particulièrement bien documentée, Paul de Ré, nous fait revivre les insoutenables hésitations d'une jeune vierge de bonne famille qui ne sait se situer dans la complexité de la vie et les déchirements que la société semble lui imposer. Roman de terroir? Oui, certes pour le natif liègeois que je suis et qui a pris un malin plaisir à déambuler dans sa bonne vieille ville telle qu'on ne peut la connaître aujourd'hui. Mais pas seulement roman du terroir! Car, en situant le début de son histoire à Mazines en Condroz, village tout à fait sorti de l'imagination de l'auteur, celui-ci nous introduit dans une histoire qui, à l'époque pouvait aussi bien se dérouler ici qu'ailleurs. C'est donc autant un roman social qu'un ouvrage du terroir que nous sommes appelés à lire ...