Mélenchon, le plébéien par SAzu
Mélenchon est un personnage. Il méritait une biographie profonde, documentée, capable de cerner le personnage : c'est chose faite.
Choisir "le plébéien", c'est donner à Mélenchon les habits du tribun de la plèbe. Ce magistrat de la Rome antique protégeait les intérêts populaires. Le personnage médiatique s'en est donné les atours : excellent orateur, il se place volontiers du côté des causes perdues et embrasse le renouveau d'une "autre" gauche en déshérence. Il veut en être le porte-étendard et le médecin. De ce personnage qu'un Duhamel voit comme le dernier poète, Allemagna (Libération) et Alliès (Médiapart), journalistes donc, cherchent à percer le mystère.
Et ils y arrivent très bien : grâce à des entretiens, y compris avec le principal intéressé, on dénoue le fil d'une vie d'homme, sans atouts de naissance, qui ne vit que par et pour la politique. Intrigues de parti, plans machiavéliques de conquêtes électorales, élaboration d'un petit clan et schémas de pensée : tout est mis sur la table, disséqué, avec une distance salutaire qui ne verse jamais dans le mépris ou, pire, l'angélisme. On a vu des biographies de de Gaulle héroïsant le personnage, des biographies de Le Pen caricaturales. Celle-ci évite le piège.
On découvre aussi quelques anecdotes savoureuses et quelques petits passages inédits. Depuis ou avant sa parution, tout a fini dans la presse, des amitiés avec Dassault, notamment, ou de son appartenance à la franc-maçonnerie. C'est maintenant bien connu, mais les auteurs fouillent chaque partie du personnage et perçoivent sa complexité : un idéalisme révolutionnaire teinté d'ambition politicienne.
Allemagna et Alliès ont fourni un travail de fond : ils ne se sont pas contentés d'entretiens mais ont miz le ned dans les archives. Pendant huit mois, ils se sont fait historiens, une démarche qui fait sortir le livre de l'eau, lui donne un cachet de respactabilité. Autre point positif : pas ou peu de regard du côté de la vie privée. Dans un univers obsédé par les divorces et perversités suspectées des hommes politiques, cette pudeur est appréciable.
Du bon boulot, qui toutefois méritait une meilleure organisation dans son plan. Les chapitres s'enchaînant de manière brouillonne, on est davantage face à un journal que plongé dans un essai. Et c'est dommage, parce que le titre perd de sa consistance. Le lecteur n'a dès lors guère le choix de consommer en vrac les nombreux éléments analysés, sans qu'une problématique générale ne vienne mettre de la cohérence dans tout ça. A lire donc, mais attention, si la politique ne vous intéresse pas vous même, vous risquez vite d'être perdu dans les luttes intestines du socialisme mitterandien.
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