Gondi, cardinal par défaut
Le sort réservé au Cardinal de Retz (Gondi pour les intimes) est assez étrange. Tout démontre en effet que Retz devrait avoir une place majeure dans notre littérature mais également dans notre histoire; un style et une langue admirables, un sens de l'observation des réalités de son temps hors du commun, une intelligence subtile, une grande culture (c'est lui par exemple qui fit traduire Gracian en français). A cela se rajoute le fait que l'on a affaire à un homme d'action, très engagé dans les troubles de son époque, qui grâce à sa position sociale avait ses entrées partout et était donc extrêmement bien informé. Par là-même, ses Mémoires sont un document de connaissance historique et sociologique d'une très grande valeur.
Retz est pourtant fort peu lu désormais et souvent mis à l'écart.
Cela tient, à mon avis, à son caractère plutôt inclassable et à sa personnalité improbable dans une perspective contemporaine.
Cardinal ne dissimulant guère son parfait athéisme, aristocrate tribun du peuple, joueur politique invétéré et agitateur passionné, Retz fit de sa vie un roman et une aventure et somme toute, tel était bien son ambition. Prêtez donc attention aux écrits de cet inclassable car il en vaut vraiment la peine.
Je ne peux résister à vous donner ici quelques réflexions de ce cher vieux Gondi:
"...Il fit si bien qu'il se trouva sur la tête de tout le monde dans le temps que tout le monde croyait l'avoir encore à ses côtés. "
"( le clergé ) qui donne toujours l'exemple de la servitude, la prêchait aux autres sous le titre d'obéissance. "
"Les monarchies les plus établies et les monarques les plus autorisés ne se soutiennent que par l'assemblage des armes et des lois ; et cet assemblage est si nécessaire que les unes ne se peuvent maintenir sans les autres. "
"Ce qui cause l'assoupissement (dans les états qui souffrent) est la durée du mal, qui saisit l'imagination des hommes, et qui leur fait croire qu'il ne finira jamais. Aussitôt qu'ils trouvent jour à en sortir, ce qui ne manque jamais lorsqu'il est venu jusqu'à un certain point ils sont si surpris, si aisés et si emportés, qu'ils passent tout d'un coup à l'autre extrémité et que bien loin de considérer les révolutions comme impossibles, ils les croient faciles ; et cette disposition toute seule est quelquefois capable de les faire."
"Si cette femme eût eu autant de sincérité que d'esprit, de beauté, de douceur, et de vertu, elle eût été une merveille accomplie."
"L'un des plus grands défauts des hommes est qu'ils cherchent presque toujours dans les malheurs qui leur arrivent par leurs fautes, des excuses devant que d'y chercher des remèdes."