Joseph Berta, conscrit de 1813, regardait avec respect et terreur les Anciens des campagnes d'Espagne, secs comme des harengs saurs, "des hommes terribles", disait-il. Adrien Bourgogne, chasseur vélite de la Garde impériale, un peu l'équivalent du para actuel, est l'un d'eux. Engagé en 1805, il a fait toutes les campagnes en tant qu'homme du rang; en 1812, à peine rentré d'Espagne, le caporal Bourgogne est promu sergent et part, toujours à pied, pour la Russie.
Ce genre d'hommes capables de marcher en campagne des mois entiers, débrouillards, gais, bons camarades partageant tout, formés au combat de chasseurs, vit d'espoirs en lendemains meilleurs, de rêves glorieux et de chimères grandioses. Tout en tâchant de se constituer un petit pécule au gré de trocs et prises de guerre, ils adorent leurs bonnes cantinières et leur Empereur, qui leur promet Moscou aux toits d'or et même l'Inde et la Chine...
Le sergent Bourgogne, cet archétype du fantassin français, ira jusqu'au bout, pour la France, l'Empereur, la gloire, les camarades, une breloque ramenée de Moscou, pour sa vie fragile et désespérée, refusant de s'endormir, sur ses pieds gelés, sur ses genoux, à plat ventre, dans la neige qui recouvre tout, par moins 20°, et toujours criant famine et se battant jour et nuit...
Les Mémoires du Sergent Bourgogne, pour ceux qui doutent de tout.