A quatre vingt dix ans, le sociologue français Edgar Morin revient sur « ses » philosophes, les auteurs qui ont jalonné son existence et ses recherches, tout au long des phases de sa vie.

Dans ce panorama d'intellectuels, on retrouve des classiques de la pensée philosophique, comme Héraclite, Descartes, Pascal ou encore Spinoza, des figures religieuses comme Jésus ou Bouddha, des écrivains de littérature, comme Dostoïevski ou encore Proust, des scientifiques ou des épistémologues...

A propos de cette liste non exhaustive, riche et surtout varié, Edgar Morin explique sa conception de tout temps d'une humanité complexe, échappant à toute vision réductive. Au delà de la pensée « purement » philosophique, le chercheur se défend, si la pensée est plus importante que la philosophie, c'est que beaucoup de grands penseurs ne sont pas nécessairement philosophes, l'important est de concevoir des problèmes « globaux ». Adversaires de cette vision globale; la réduction et la séparation.

Toute sa vie, Edgar Morin aura établi des liens, autant de ponts entre des pensées et des penseurs vis-à-vis desquels il ressent à présent une « dette », une reconnaissance qu'il exprime au travers de cette rétrospective philosophique.

Les auteurs, classés par chronologie, auraient tout aussi bien pu l'être au grès de la « rencontre intellectuelle» d' Edgar Morin avec eux.

Fidèle à la pensée de la falsifiabilité de Karl Popper, Edgar Morin entend bien avancer en dépassant des erreurs, en retenant toujours des évolutions de la pensée l'enrichissement du cheminement de la réflexion.

Car au-delà du terme, du but, finalement compte le chemin, « la voie », pour reprendre le titre de son précédent ouvrage.

Dépassant l'écueil de l'encyclopédie du savoir que ce livre aurait pu être, Edgar Morin réhabilite sa confiance en l'être humaine et en l'homme. Empruntant à Spinoza son refus de la transcendance, il retient des pensées religieuses la compassion bouddhique et le pardon chrétien, autant de vertu humaine nécessaire à l'élaboration d'une pensée du vivre ensemble.

Citant la pensée d'Héraclite, « sans l'espérance, tu ne trouveras pas l'inespéré », Morin construit une philosophie à visage humain, reliant l'homme à sa culture et à sa nature. C'est cette pluralité paradigmatique qui lui fait emprunter les mots des penseurs de l'École de Francfort, « la totalité est la non-vérité ».

Au refus d'une vérité unique et réductive, Edgar Morin réconcilie la vision poétique des surréalistes avec la pensée décloisonnant d'Heidegger, il explore la conception des liens entre raison et déraison aussi bien chez les littéraires russes (Dostoïevski) que dans la psychanalyse freudienne. Il n'existe pas à proprement parler pour Morin d'écoles de pensées qui ne s'excluent l'une l'autre radicalement tant que de leur seule confrontation une réflexion peut se mettre en place.

Contre les vérités dogmatiques et la sur-spécialisation réductive, Edgar Morin aurait pu faire siens ces mots du philosophe antique Socrate, « la seule chose que je sais c'est que je ne sais rien ».

Ce livre retrace donc l'histoire de la pensée d' Edgar Morin, fruit de rencontres, de lectures, de l'histoire aussi bien sûr (la guerre, la résistance, le marxisme...) Une pensée forgée donc dans le chaudron du multiple et de l'altérité.

Emma Breton
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le 21 déc. 2011

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