« Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance […] Meuse, adieu : j’ai déjà commencé ma partance » » est le début d’un classique et joli poème de Charles Péguy (Jeanne D’Arc, à Domrémy, 1897). Une ode à la Jeanne qui s’apprête à quitter la sécurité de ses bords de Meuse pour se lancer dans de nouvelles tâches, une nouvelle vie.
Dans son roman « Adieu, Meuse », Jean De Tiège cite une bonne partie de ce poème. Son narrateur dont il endosse la voix, questionne les certitudes de sa jeunesse, de son éducation. Il sent qu’il doit peut-être quitter certains ‘repaires’ de sa vie estudiantine pour partir à la rencontre de lui-même et de l’autre, la toute autre Dominique, cette fille du même cours qui se joue des codes relationnels et le défie au ping-pong.
J’ai suivi avec un réel plaisir les tribulations de ce jeune étudiant bruxellois venu faire son Droit à l’Université de Liège. Je l’ai suivi dans ma ville, reconnaissant quasi tous les coins et recoins qu’il fréquentait avec ses copains : La Mâson, le carré, les hauts lieux de virée et les fontaines qui soulagent… Liège, la ville à l’esprit frondeur et festif, avec ses quais de Meuse et son quartier Hors-Château tient une jolie place dans ce roman de passage à l’état adulte. Tout comme le plateau de Herve et ses campagnes dont l’auteur décrit finement à la fois la sérénité qui s’en dégage et le côté quelque peu rigide des relations familiales patinées de traditions et de respect humain un peu désuet.
Avec un style fluide et un vocabulaire riche et précis, Jean De Tiège donne consistance à son narrateur. Toujours juste à propos dans le récit, il lui crée les occasions de parler des thèmes qu’il affectionne : l’Afrique, berceau de son enfance, la musique, spécialement le jazz et la randonnée. Mais il va bien plus loin, il nous entraîne en pèlerinage à Chartres. Une fois encore, Dominique a provoqué chez lui l’étonnement, la curiosité, l’envie de mieux la connaître. Sur un coup de tête, tout autant qu’un coup de cœur, il s’est engagé sur le sentier des pèlerins. Pour mieux découvrir qui elle est et, tout autant, apprendre à mieux se connaître. Tout en marchant, il s’interrogera sur la vie, la foi, l’importance d’une relation, des paroles dites, écoutées. Des silences aussi qui crient ce qu’ils ont à dire dans le respect de l’autre, de la distance à réguler pour que chacun puisse être pleinement.
Ce premier roman, sans aucune prise de tête est une belle évocation d’un amour qui se construit, d’une rencontre qui prend le temps de cheminer, d’un moi qui peu à peu se pousse, sans violence aucune, pour laisser une place à l’autre. C’est l’histoire d’une relation qui se tisse, se trame et se solidifie dans la souplesse de l’acceptation de la vie, de l’autre et de soi-même.
Ajoutez à cela une couverture haute en couleurs, reproduction d’une toile de Geneviève Henkens (Que la mer monte) et vous aurez envie de lire ce roman et d’y prendre, comme moi, beaucoup de plaisir.