"Nous vivons à l'intérieur d'un énorme roman .Il devient de moins en moins nécessaire pour l'écrivain de donner un contenu fictif à son livre, la fiction est déjà là. Le travail du romancier est d'inventer la réalité"
Cette petite phrase de Ballard trouvée lors de recherches bibliographique sur Internet, et une merveille de résumé sur le sens de son œuvre!
En effet voici un auteur quelque peu atypique, hors des chemins classiques de la S.F, à l'histoire lourde de sens quant à l'écriture et les thèmes abordés dans ces livres! Une brève biographie, permet de se faire une petite idée!
Né à Shanghai en 1930, il y passera une jeunesse dorée, jusqu'à ce que les japonais n'internent les occidentaux des concessions européennes en Chine! Il en ressortira marqué, bien qu'enfant, surtout par rapport à ce qu'il découvre de l'Europe post seconde guerre mondiale...notamment sur l'extrême éloignement des choses du monde, et l'isolement dans une sorte de cocon des occidentaux!
Deux de ses romans seront porté à l'écran, par de grands réalisateurs, le premier « L'Empire du soleil" (1987) par Steven Spielberg, l'autre par David Cronenberg "Crash" (1992)
C'est un auteur qui écrit dans le genre de ce que l'on pourrait appeler l'anticipation sociale...chez lui très peu ou pas de vaisseaux spatiaux, d'E.T ou de space opéra, il exploite à plusieurs reprises un thème qui lui est cher, celui de la classe moyenne, des ses mythes sociaux, et médiatiques, de l'atonie d'une classe étouffée par la surabondance d'une société de consommation de l'extrême, et endormie par les médias de masse qui l'empêche de penser! Bref une frange de la société qui supporte l'édifice occidental, sans aucune contrepartie que de toujours donner (taxes de parcmètres, frais de scolarité) et qui cherche un sens au milieu de cette frénésie!
Ballard livre ici un roman coup-de-poing, non par la violence de la narration, somme toute classique, et faisant la part belle aux dialogues entre les personnages, mais plutôt par la dérangeante réalité qui émerge de son roman!
Son livre met en scène plusieurs personnages dont l'atypique David Markham (qui est aussi un personnage de la série Columbo, ce qui n'a rien à voir avec le sujet...pardon), psychologue désabusé engoncé dans son train-train quotidien, sur le point de partir en vacances avec sa femme Sally, lorsqu'aux infos est relaté l'explosion d'une bombe à Heathrow, et qui voit à l'écran son ex-femme, blessée d'abord, puis décédée!
L'intrigue démarre ainsi, car l'enquête est lancée, il lui faut trouver le ou les coupables, trouver un sens à cet acte gratuit, et ignoble! Au fur et à mesure de l'avancée du texte.
D'abord il commence de loin, cherchant à s'infiltrer tout en restant distant, un peu comme un espion d'un service de l'Etat, (en est-il sûr) qui s'inquiète de cette soudaine vague de contestation bourgeoise, pour découvrir les tenants de cet attentat qui a coûté la vie à son ex-femme !
Puis, au fur et à mesure des rencontres, lors de manifestations plus ou moins violentes, notamment à la Marina de Chelsea sorte de point de départ et de catalyseur du mouvement, avec des figures plus impliquées : tel l'énigmatique Dr Richard Gould sorte de cerveaux de la contestation, ou la passionnelle Kay Churchill, ou encore le pasteur en perte de foi à la Harley Henry Dexter !
Il va finir par se prendre au jeu et s'approprier les valeurs de cette révolution grandissante : choquer les esprits pour réveiller les classes moyennes par un acte totalement gratuit leur renvoyant l'image de vide qu'il y a dans leur vie...c'est pire qu'un éléctrochoc ! Il va donc remonter la piste et infiltrer les mouvements de la révolution bourgeoise en marche! Faire connaissance avec ses activistes médecins, avocats, secrétaires, pilotes, d'une classe moyenne en phase de paupérisation, en manque de repaire et de sens! Brûlant les vidéoclubs, les salles de cinéma, des actes d'abord simplement contestataires, finissent par prendre une ampleur non imaginée, jusqu'à une apothéose de violence, avec la mort !
Au final la lecture de ce livre est dès plus intrigantes, on peut sourire, en coin, à l'évocation caustique de certaines scènes, le ton peut même paraître léger par rapport aux évènements ! Mais la réalité n'est jamais loin, et si l'humour est présent il est noir, il fait peur, comme s'il avait quelque chose de prophétique! D'ailleurs l'auteur est connu pour avoir comme surnom The Seer...Comme si ses romans d'anticipation trouvaient quelques années plus tard un écho dans l'actualité du monde Bref un roman qui ne laisse pas indifférent, on sera sensible aux sujets abordées, ou rieur devant la tournure que prend son interprétation du devenir de la classe moyenne occidentale !!