Mon petit bunker est un livre quasi autobiographique où Marine Bramly, à travers le personnage de Noah, exorcise la difficulté d’avoir dû quitter le Sénégal pour se réinventer en France. La narration est intéressante puisqu’elle oscille entre Noah, femme trentenaire (mariée, une fille adolescente et un mari universitaire) se cherchant plasticienne à Paris, et Noah, dix-onze ans, faisant les quatre cents coups à Dakar ou sur l’île de Gorée vivant une enfance libre mais hasardeuse avec son père ethnologue.Au lecteur de faire la synthèse entre les deux Noah, pour cerner une nostalgie irrépressible, une façon bohème d’appréhender la vie, une insatisfaction chronique sur les liens familiaux qu’elle entretient avec ses parents, son mari et sa fille de seize ans, mais aussi un questionnement sur ce qu’elle doit transmettre à son tour malgré ses peurs et ses doutes. Beaucoup de situations sont aussi en miroir dans ce livre car Noah scrute sa situation conjugale face à celle de ses parents, questionnant son rôle de mère face à sa fille étant plus proche de son père elle aussi, mais également les lieux où elle et son mari Fabien ( le cagibi et son atelier) se réfugient pour écrire ou créer ou la moto qu’il voudrait avoir la ramenant à ses virées dans le désert avec son père.Le livre est à la fois un inventaire lucide sur des moments choisis de l’existence mais aussi sur les difficultés chroniques de s’assumer en tant qu’adulte. Mon petit bunker s’avère aussi énergique qu’introverti, inscrit la place de la sexualité féminine en Afrique et s’interroge sur le bien-fondé des cercles d’intellectuels en France. C’est un roman assez pluriel, se lisant bien et n’ennuyant jamais jusqu’à cet épilogue hâtif où on aurait préféré que Marine Bramly prenne plus son temps pour décrire le début de revirement intérieur de Noah.