Un petit livre qui a tout d'un grand.

Le premier mot qui me vient à l'esprit pour résumer Mort aux grands est "intelligent". Il y a dans ce roman une finesse et une intelligence dans l'écriture qui m'ont accroché directement.
Il s'agit d'une uchronie dont le point de départ est simple : la France a perdu la guerre de 14 et vit sous le joug du Kaiser allemand. Nous suivons donc Augustin Petit, soldat patriote quoi que court-sur-pattes. Celui-ci sait à qui la France doit cette défaite : la cause de tous ses malheurs, depuis sa vie privée jusqu'au destin de son pays, ce sont les grands.

J'ai apprécié l'humour omniprésent dans le roman, certains passages m'ont fait rire aux éclats. Bien que totalement déjanté, ce livre ne perd pas de vue son propos : le parallèle entre Augustin Petit et un autre petit brun de sinistre mémoire est toujours présent. L'absolue bêtise des préjugés et de l'utilisation de toute une partie de la population comme bouc-émissaire sous des prétextes fallacieux apparaît alors dans toute son absurdité. A chaque page je me suis dit "Ils ne vont pas gober ça tout de même ?" et pourtant si, ils l'avalent et le vomissent, poussés par le désespoir d'une situation et une volonté revancharde qui ne sait pas contre qui se diriger. Comment ne pas penser alors à nos contemporains qui avalent couleuvres et boas pourvu que la rhétorique soit convaincante ?
Le rythme est rapide, les événements s'enchaînent avec logique, et on assiste à la montée d'une idéologie aussi absurde qu'implacable. J'aurais peut-être préféré que l'auteur s'attarde un peu plus sur les événements, mais le moins que l'on puisse dire est que l'on ne s'ennuie pas, et que chaque page tournée appelle la prochaine.

Le seul reproche que je ferais à Mort aux grands ! est d'être un peu court, mais je suppose qu'Augustin Petit me ferait clouer au pilori pour une telle remarque. Et heureusement, une suite existe !