Il ne sera pas question ici de littérature ou plutôt si, de littérature de quai de gare dans ce qu'elle a de plus péjoratif. Les livres de Mary Higgins Clark se réduisent beaucoup à cette seule appellation, quai de gare tendance thriller/polard. Difficile alors d'expliquer une note aussi élevée, si cet ouvrage a si peu de qualités où se trouvent les raisons d'une si belle note ?
On note parfois sur des critères objectifs tels que le style, la profondeur du sujet, l'originalité, parfois sur des critères subjectifs tels que le ressenti, les émotions. Parfois comme ici, on note sur un mélange des deux, loin de donner des livres impérissables, colle littéralement les yeux du lecteur aux pages qu'il tourne les unes après les autres avec une gourmandise dévorante. C'est un peu ça Mary Higgins Clark, objectivement elle mise tout sur l'efficacité de ce qu'elle écrit tout est dosé, quantifié, respectant probablement quelque formule mathématique qui agit sur nous comme une drogue obsessionnelle. Elle connaît le moment où notre goût pour son histoire risque de passer et relance la machine juste à cet instant. Dans Ni Vue Ni Connue le cocktail ne peut qu'être efficace, un meurtre, une belle femme comme témoin, le programme de protection des témoins et des révélations à dose homéopathique. Que d'originalité !
Mais subjectivement, Ni Vue Ni Connue est un peu le hamburger de la littérature, ce sandwich qu'on affirme publiquement détester mais qu'on va de temps à autres déguster en catimini, de la même manière que les sondages disent que la chaîne préférée des Français est Arte. On redécouvre alors les plaisirs primaires et honteux qui font que notre cerveau peut se permettre de prendre un petit instant de repos. Ce livre se dévore, captive et met à mal notre volonté d'analyser ce qu'on lit. Pas de réflexion, les émotions prennent le dessus, la peur, l'angoisse, la colère sont le carburant de ce polar. Comme tout hamburger, l'abus nuit à la bonne irrigation des cellules grises et, lorsqu'on retourne à la littérature, on ne peut s'empêcher de comparer.
Ni Vue Ni Connue est une aire de repos sur la route de la littérature, évidemment Mary Higgins Clark n'a jamais contribué a donner des lettres de noblesse à la littérature de quai de gare en général et au polard en particulier, les lecteurs qui n'iront pas plus loin que ses livres ne doivent s'en prendre qu'à leurs préjugés. À condition de ne pas en abuser et de ne pas les lire les uns derrière les autres, ses ouvrages peuvent apporter un plaisir dont nous avons parfois besoin pour encaisser le livre précédent, un plaisir basique qui, s'il devient une habitude, sera certainement révélateur d'une certaine paresse du lecteur.
Mary Higgins Clark, si elle n'a pas de talent littéraire, possède néanmoins celui d'hameçonner le lecteur, de le tenir au bout de sa ligne pendant un peu plus de trois cents pages et, s'il ouvre un jour un autre de ses livres, d'avoir fait une nouvelle prise. Ce livre est imparable et implacable et après tout, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. À consommer avec modération...
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