Aymeric Caron, journaliste de télévision, de radio, et récemment chroniqueur dans l'émission "On n'est pas couché" de Laurent Ruquier, traite un sujet qui le tient à cœur : le végétarisme, une alimentation qu'il suit depuis près de vingt ans, mais pas seulement. En plus de prôner les bénéfices indiscutables que confère cette alimentation, il fait une sorte de prédiction : dans quelques décennies, nous ne mangerons plus de viande, et cela pour des raisons tout-à-fait logiques.
L'auteur commence tout d'abord par établir une sorte de constat : même si les mentalités ont évolué, même si l'on assiste progressivement à une prise de conscience de la part des omnivores, le végétarien est malheureusement toujours vu comme une bizzarerie qui apporte bien des problèmes à la maîtresse de maison qui se demande bien ce qu'elle pourra préparer à ce "pisse-froid" qui vient perturber ses habitudes alimentaires. En effet, et cela depuis de nombreuses années, la tradition française veut que l'on ait une alimentation riche en protéines animales (censées apporter force, intelligence et résistance). De ce fait, steaks, poissons, fromages et yaourts sont quasiment sur toutes les tables françaises à l'heure du dîner.
Seulement, cette croyance relève de l'ignorance. Aymeric Caron, qui compose son livre en huit parties, évoque les raisons pour lesquelles manger de la viande est inutile, voire nocif pour nous, et pour l'environnement.
Première raison qui peut difficilement être contesté : la viande détruit la planète. En une minute, dans le monde, nous tuons environ 87 226 poulets, 1268 dindes, 4206 canards, 2387 cochons, 545 bovins, 946 moutons, ainsi que 1946 lapins. Pourtant, telle est la réalité. A cause du dynamisme des pays émergents, le nombre d'animaux tués ne fait qu'accroître, et la réalité est là : nous n'avons jamais autant mangé de viande dans le monde. Évidemment, le consommateur qui achète sa viande au supermarché dans barquettes sous cellophanes n'a pas la moindre idée de tous ces chiffres. D'ailleurs, moins il y a d'hémoglobines, mieux c'est : les gens achètent de plus en plus de volaille, pour se rendre moins coupables, peut-être, d'une certaine manière, assure Caron.
Il faut également savoir que l'on a besoin de plusieurs calories végétales pour produire ne serait-ce qu'une calorie animale (il faut bien nourrir le bétail, écrit Caron). Sur un hectare, on pourrait nourrir 30 personnes grâce aux fruits et aux légumes, et uniquement 10 en élevant du bétail.
Caron regrette également le gaspillage alimentaire qui est un véritable fléau de nos jours : par exemple, 3 % des poissons sont remis à l’eau.
Selon la FAO & Greenpeace, les élevages sont responsables de 70 % de la déforestation, et de 80 % de la destruction de la forêt amazonienne. Ces chiffres sont parfaitement vérifiables et du coup, quelque peu accablants...
La production de viande génère un gaspillage d'eau astronomique : 1 kg de viande = 1 an de douche. Elle contribue également au réchauffement climatique : les élevages sont responsables à 18 % des gaz à effet de serre. De plus, on importe de la viande venant de loin.
Caron pointe aussi du doigt une incohérence que l’on ne peut pas nier : on accorde des régimes privilégiés à certains animaux. D'une part, au Québec, des palaces accueillants les chats et les chiens, tels des rois et des reines existent bel et bien (on peut citer les établissements Balto et Muzo). Ce genre d'endroits est aussi présent aux États-Unis, au Japon, au Brésil, en Allemagne et même en Angleterre. On est aussi complètement gagas devant Knut, l'ours polaire (2006-2011), ou encore devant Heide l'opossum... Certains animaux ont su nous séduire : dauphins, lions, éléphants, chevaux, singes.
D'une autre part, en Chine, des millions de chiens et de chats sont entassés dans des cages pour finir ensuite dans une marmite (les St Bernard sont ramassés dans la rue, voire volés). De plus, la croyance est la suivante : la viande de chien et de chat a des vertus médicinales, et se révèle être meilleure si l'animal a été torturé avant d'être achevé.
D'autres en revanche nous sont indifférents : cochons, poulets, bœufs (sauf en Inde, où la vache est protégée).
Selon Jérémy Bentham, "nos règles vis-à-vis des animaux sont à géométrie variable et, encore une fois, totalement contradictoires".
Caron finit par écrire : "S'il était logique que nous consommions de la viande, ne devrions-nous pas tomber d'accord sur le choix des animaux à manger ?". Une question que l’on devrait pourtant tous se poser…
Seconde incohérence : on n'assume pas la mort de l'animal : les gens ne veulent pas savoir que la chair inerte qui se retrouve dans leur assiette a un jour été vivante, et se dérobent telles des anguilles lorsque le sujet remonte à la surface.
Caron insiste sur le fait que l'amour de la viande est culturel, pas naturel. A travers les cantines, nous sommes conditionnés dès notre plus jeune âge...!
Pas naturel aussi car nous n'avons pas la physiologie pour. Nous n'avons pas de crocs, mais des canines. Nous n'avons pas de griffes, mais des doigts nous rendant incapables de déchirer quoi que ce soit. (Pour ceux qui sont intéressés, je vous invite à regarder cette vidéo dans laquelle Shaun Monson, le réalisateur du film Earthling explique les raisons pour lesquelles l’homme est physiologiquement fait pour être végétarien (entre autres) : https://www.youtube.com/watch?v=iNXB6qdjZOg
Caron expose aussi les pensées de Rousseau et de Lamartine concernant ce sujet : face à un boeuf et dépourvu de couteaux, seriez-vous capables de le tuer et d'en extraire la viande ? De la même manière, seriez-vous capable de manger la viande entièrement crue ? Non. Pourtant, c'est ce que les vrais mangeurs de viande (un lion par exemple) font.
Ce que bon nombre d’omnivores n’arrivent pas à comprendre, c’est que nous n'avons pas besoin de viande pour vivre. Quelques exemples d'athlètes végétariens : Jake Shiels, champion de combat libre, Carl Lewis, "le plus grand athlète du XXè siècle".
Le journaliste dresse une liste d’aliments riches en calcium et en protéines : chou, soja, algues, tahini, graines de sésame, tofu, sertain, tempen, boulfour, millet, quinoa, pourpier, topinambour, paksoi (quelques légumes oubliés), falafels, le houmous...
Les animaux que nous mangeons nous ressemblent... Selon Pascal Picq, "les restes que nous avons au niveau des joues sont les restes du squelettes de nos ancêtres les poissons". Est-ce logique alors de les manger ? Non.
Intervient aussi la morale qui nous commande d'arrêter de manger de la viande. Caron dresse dans ce chapitre toute une liste de musiciens et de personnalités connues ayant arrêté de manger de la viande pour des raisons éthiques mais aussi pour leur santé : Paul McCartney, Moby, Bryan Adams, Kate Bush, Shania Twain, Chussie Hynde (The Pretenders), Jared Leto (30s to Mars), Thom Yorke (Radiohead).
The Smiths a toujours défendu le bien être animal, comme en témoigne la chanson "Meat is Murder".
Enfin, le végétarisme est moderne depuis des millénaires, comme en témoignent le sens du sacrifice des société bishnoï qui ont toujours eu un grand sens du respect et cela pour tous les animaux, du plus petit au plus majestueux.
Bref, ce livre est excellent, bourré d'arguments que les végétariens quelques peu lassés par les critiques quelques fois virulentes de certains omnivores pourront utiliser de manière efficace. Ce livre sonne comme une ôde aux animaux et à la planète.