Un énorme coup de coeur pour ce beau roman écrit par Kaouther Adimi.
J’ai aimé la construction du roman, alternant faits historiques depuis les années 30 jusqu’à la période actuelle et histoire de la création de la librairie-maison d’édition par Edmond Charlot d’après son journal imaginaire. On est tout de suite plongé au coeur du roman !
Edmond Charlot était un vrai découvreur de talents. Il a édité des auteurs prestigieux au début de leur carrière. Le roman montre la concurrence à laquelle se livrent les maisons d’édition. Le pauvre Charlot ne faisait pas le poids face à ces mastodontes, surtout en période de pénurie de papier, d’encre etc. Il a dû faire face à de nombreuses difficultés.
Ce livre est également l’occasion de revenir sur l’histoire de l’Algérie, avec tout ce qu’elle a pu comporter d’événements terribles. C’est une période de l’histoire qui m’intéresse particulièrement. Kaouther Adimi évoque le massacre de Sétif en mai 1945 qui a marqué le début de la guerre d’indépendance, ou encore le massacre du 17 octobre 1961 à Paris, au cours duquel des centaines d’algériens ont été jetés dans la Seine.
J’ai aussi beaucoup aimé le style de cette auteure talentueuse. Un très bon moment de lecture !
Courez vous procurer Nos Richesses de Kaouther Adimi ! Vous serez transporté dans les rues d’Alger jusqu’au 2 bis rue Hamani (ex-rue Charras), à la librairie Charlot « Aux vraies richesses ».
Extraits :
« Un homme qui lit en vaut deux »
« Nous sommes arrêtés, emprisonnés, torturés ou exécutés. Ceux d’entre nous qui survivent à la faim, aux bombes, aux camps, tout en ayant laissé femmes et enfants dans la misère en Algérie répètent, la nuit, avec ferveur : « La Mère Patrie n’oubliera pas au jour de la victoire tout ce qu’elle doit à ses enfants de l’Afrique du Nord ». »
« Ces arabes. Ces melons. Ces crouilles. Ces rats. Ces ratons. Ces merdes. Ces raclures. Les tabasser. Les massacrer. Les réduire à néant. S’en servir comme projectiles. Utiliser des bâtons. Utiliser nos armes de policier. Utiliser les briques. En tuer le plus possible. En tuer des dizaines. Massacrer ces gens qui n’ont rien à faire à Paris, devant la Seine, devant nos monuments, devant nos arbres, devant nos femmes. Les massacrer. Les tabasser. Les jeter à l’eau. Voir les corps des Algériens s’enfoncer dans les eaux boueuses (….) »
Recette d’Edmond Charlot pour commencer à écrire : « Achetez une table, la plus ordinaire possible, avec un tiroir et une serrure. Fermez le tiroir et jetez la clé. Chaque jour, écrivez ce que vous voulez, remplissez trois feuilles de papier. Glissez-les par la fente du tiroir. Evidemment, sans vous relire. A la fin de l’année vous aurez à peu près 900 pages manuscrites. A vous de jouer. »