Nous étions des êtres vivants mélange deux éléments à priori contradictoires : un sujet tristement banal (le rachat d’une entreprise) et une forme puissamment lyrique, qui n’est pas sans rappeler les tragédies antiques : une langue ciselée, des monologues alternés de différents personnages, la présence d’un choeur, voix collective anxieuse, et surtout des personnages qui semblent ne rien contrôler, portés par les évènements et les désiratas de leur nouveau patron, comme des Oedipe condammnés à être les acteurs passifs de leur destin. Comme dans une tragédie antique, ce sont les sentiments et les caractères les plus durs et les plus extrêmes qui d’abord apparaissent subtilement, puis explosent : la colère, la lâcheté, l’avidité, une certaine forme de folie, d’autant plus surprenante qu’elle prend pied dans un univers très quotidien. Le livre est très prenant, et les dernières pages tombent comme un couperet. Bref, géniale et puissante lecture sur le monde du travail et sa dureté.