Nous n'irons plus à Cesson... mais nous le relirons

Deux sœurs, Simone dix-neuf ans, Germaine dix-sept ans ont quitté la campagne rennaise environnante pour la ville. Elles sont devenues rapidement des citadines délurées et obtenu leur diplôme de secrétaire-dactylo. Elles aiment rire, chanter, sortir : elles fréquentent la jeunesse joyeuse et insouciante qui se retrouve dans les guinguettes des environs de Rennes. Elles rencontrent leur fiancé, sont amoureuses, la vie est pleine de promesses.
Septembre 1939, la déclaration de guerre les surprend. Le mari de Simone, sur le point de terminer son service militaire, est maintenu dans l’armée. Il sera prisonnier pendant trois ans. Le fiancé de Germaine, un alsacien doit fuir… L’histoire de ces deux jeunes femmes croise la grande Histoire, avec une hache comme dirait Perec.
Celle-ci va donner un tour inattendu à ces destins modestes dont la mémoire risque de disparaître. La vie des petites gens de Rennes est évoquée avec poésie et réalisme, les métiers anciens revivent et c’est toute une époque à la fois rude et joyeuse qui est réanimée.
« Nous n’irons plus à Cesson » le dernier ouvrage de Norbert MAUDET aux Éditions GOATER nous livre une très belle peinture, une fresque des années qui précèdent et durant la seconde guerre mondiale où deux sœurs traversent cette époque que l’auteur aura su dépeindre. « La France chantait à l’aube de 1939 » nous dit l’auteur, qui décrit tel un ethnographe cette vie – il rappelle les objets, le contexte, les ambiances de cette époque. Le passage de la vie rurale à celle citadine n’est pas sans nous rappeler quelques bonnes pages d’Ernest PEROCHON ou Georges DAVID.


Certes, c’est romancé, mais on perçoit que l’auteur s’appuie sur des documents d’époque. Cette chronique permet de vivre de l’intérieur le passage d’une vie insouciante, heureuse, promise à des lendemains rieurs aux affres de ce conflit mondial, et de leurs incidences sur les populations civiles - véritables victimes collatérales de cette occupation allemande, du renoncement d’un Etat Français basé à Vichy, de la bassesse d’une partie de la population qui ne voyait pas plus loin que le bout des bottes des occupants, préférant collaborer plutôt que combattre. « Nos » deux sœurs vivront de plein fouet, dans leurs âmes et dans leurs chairs ce conflit sous les yeux presque impuissant de leur ainée.


Après un premier ouvrage, autobiographique « Journal d’un écolodidacte » toujours chez GOATER où Norbert MAUDET nous décrit sa vie, ses combats, ses engagements : ce second opus est beaucoup plus incarné, plus intimiste : il y a du Jean Loup TRASSARD dans la mécanique poétique, il y a du DABIT, voire du BOVE dans l’évocation de la désespérance, il y a surtout du Norbert MAUDET dans la réussite de ce livre.


« Nous n’irons plus à Cesson » est en quelque sorte une épitaphe à lire pour se remémorer cette période, à lire pour mieux la comprendre, à lire pour passer un très agréable moment.

Edouard_Merigau
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le 11 avr. 2017

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