Le jugement de Piergiorgio Bellocchio (frère du cinéaste du même nom) sur son temps et sa génération pourra paraitre sévère à certains. Il suffit pourtant de constater lucidement ce qu'il en est advenu de l'Italie dans les trente dernières années pour comprendre que voilà en fait, un homme très modéré.
Il s'en est toujours trouvé quelques-uns en ce pays, et il n'est heureusement pas nécessaire de remonter à Machiavel ou à Alfieri, qui nous ont montré qu'ils avaient cette capacité de recul et de rétrospective lucide qui manque trop souvent en France. Alors même que nous aurions tant de raisons de nous en inspirer. Ne serait-ce que pour "Limiter le déshonneur" selon l'expression de Bellochio.
On notera toutefois ici l'expression d'une nuance, d'ordre culturelle probablement, qui obligerait à une légère modification du titre; car personne ne contestera qu'en notre beau pays nous faisons encore beaucoup plus fort et que nous pouvons donc prétendre à cet état, que beaucoup nous envient dans le monde, de zéros insatisfaits. Nuance, nuance .....
Il faut remarquer toutefois que la catégorie visée prioritairement ici par notre auteur est celle des intellectuels; qualificatif qui dans les dernières décennies a fini par prendre une sonorité étrange et assez peu ragoutante. On peut s'en surprendre, sachant qu'à la base le terme ne désigne rien d'autre que ceux qui sont censés s'être donnés les moyens d'une réflexion quelque peu approfondie et que le passé est plutôt riche de cette illustration. Par quels usages et pratiques la figure de "l’intellectuel" est-elle devenue porteuse de tant de suspicions ?
"Limiter le déshonneur, c'est tout d'abord refuser l'exhibition autopromotionnelle que l'on attend désormais des intellectuels; ne pas aspirer à occuper une place dans les jeux de rôles médiatiques, ne pas accepter de se laisser étiqueter."
Voyez-vous cela, incapable de résister à ses penchants narcissiques, "l'intellectuel" contemporain aurait donc vendu son âme à un irrésistible besoin de paraître; quitte à brader honnêteté, rigueur et cohérence.
Voilà qui nous permet incontestablement d'approcher des mystères insondables du zéro. Le Zéro, d'origine italienne, contraction de zefiro, issu du latin médiéval zephirum, transcription de l’arabe ṣĭfr, le vide.