Parias
Parias

livre de Beyrouk ()

Deux voix s'expriment à tour de rôle dans ce roman. D'abord le père qui écrit une longue lettre à sa femme disparue, son seul amour. Il lui écrit de la prison dans laquelle il est enfermé.


Puis le fils, qui raconte sa vie depuis que son père est enfermé et sa mère disparue, au quartier PK7, recueilli par un ami de son père.


A travers ces deux récits, on apprend l'histoire de cette famille.


Qu'il est beau cet texte. Le père, dans une langue belle écrit son amour inconsidéré pour la jeune femme qu'il rencontre. Prêt à tout pour la conquérir et la garder, quitte à se mettre les deux familles à dos. Il y parle poésie, lui le nomade qui a renoncé à la vie de ses ancêtres pour s'installer en ville. Mais vite, il aborde la difficile mixité sociale, l'amour qui s'effiloche, l'obligation d'éloignement pour le travail qui sépare les corps et les cœurs.


"Moi, je n'ai jamais su atteindre les côtes dont je rêvais pourtant. Je voulais aller là où vous étiez, toi et les enfants, me baigner chaque jour de la calme sérénité des moments tranquilles, connaître le langage de tous les jours, les habitudes de chaque instant, les rires, les fâcheries, les petites joies et les petites peines, je ne demandais rien que cela, le bonheur des gens modestes, et je ne l'ai même pas eu." (p.154/155)


Le passé simple donne à la lettre du père une classe et un charmes désuet, comme s'il pouvait enfin écrire à sa bien-aimée tout ce qu'il n'a pas pu lui dire. C'est beau, tout simplement.


A l'inverse, le récit du fils est beaucoup plus oral, c'est un pré-ado qui s'exprime. Le calme, la force et le désespoir du père en sont renforcés. Élevé par un ami, il traîne dans les rues du PK7, se bagarre, chaparde, ce qui lui évite de trop penser aux disparus, sa mère et son père qui refuse qu'il vienne le voir à la prison ainsi que sa petite sœur, Malika, recueillie par un oncle qui refuse de le voir. C'est un récit plus direct, plus naïf qui en écho à celui du père permet de comprendre la globalité de leur histoire familiale.


J'ai déjà lu Beyrouk et son formidable Le griot de l'émir. De nouveau, je suis séduit par son livre, son écriture, la finesse, l'élégance et la beauté d'icelle.

YvesMabon
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 6 mai 2021

Critique lue 71 fois

Yv Pol

Écrit par

Critique lue 71 fois

Du même critique

Hoka Hey!
YvesMabon
10

Critique de Hoka Hey! par Yv Pol

Très belle grosse bande dessinée. Traits, couleurs, paysages, personnages très soignés pour un ouvrage de qualité. Les paysages sont superbes, on se croirait dans un film. Les personnages ont tous...

le 7 mai 2023

7 j'aime

La Couleur des choses
YvesMabon
10

Critique de La Couleur des choses par Yv Pol

Précisions liminaires : Martin Panchaud est suisse et cet album est paru d'abord en langue allemande en 2020 avant de trouver un éditeur français. Il vient d'obtenir au salon de la bande dessinée...

le 13 févr. 2023

6 j'aime

Zemmour contre l'histoire
YvesMabon
10

Critique de Zemmour contre l'histoire par Yv Pol

J'ai du mal à saisir la ligne éditoriale des éditions Gallimard qui publient ces tracts hautement instructifs et intelligents et qui, il y a quelques années voulaient publier les pamphlets...

le 6 mars 2022

6 j'aime