Il n’y a pas que les romans dans la vie, il y a aussi les recueils de nouvelles. Persistance de la vision est composé de neuf nouvelles de science-fiction écrites par John Varley entre 1975 et 1978, désormais publiées chez Folio SF.
Par ailleurs, au moins six d’entre elles semblent appartenir à l’univers de space opera que l’on retrouve dans un autre roman de Varley : Le Canal Ophite (et ses deux suites). Ce dernier prend place dans un futur lointain où les êtres humains ont déserté la Terre et colonisé le système solaire. Dans cet avenir, les êtres humains ont par exemple développé la possibilité de « sauvegarder » leur personnalité à un instant X pour, en cas de décès, faire cultiver un clone qui renaîtra avec le corps et les souvenirs enregistrés. C’est ainsi que dans Le fantôme du Kansas, une artiste se réveille et apprend qu’elle est en fait le troisième clone d’elle-même. Ses trois précédentes incarnations ayant été sauvagement assassinées, il s’agit pour elle de comprendre ce qu’on lui veut, avec le désavantage que son agresseur l’a déjà tuée trois fois et la connaît donc très bien. Un peu différemment, dans Trou de mémoire un homme est coincé dans un univers virtuel suite à la perte de son corps. La société responsable de cette disparition promet de le lui restituer intact mais, en attendant, il tire profit de cet emprisonnement pour faire le point sur sa vie.
Ma nouvelle préférée n’appartient pas, a priori, à cet univers. Il s’agit de Dans le palais des rois martiens. Particulièrement bien ficelée, elle relate une expédition sur Mars qui tourne mal suite à une explosion. Condamnés à rester sur places, les survivants découvrent qu’une nature étrange se réveille autour de leurs modules. En seulement 70 pages, John Varley arrive à y caser une réflexion sur la nature de la vie elle-même et, plus prosaïquement, sur la survie en milieu dangereux. Dans un autre style, Les yeux de la nuit (récompensée par un pris Hugo, un prix Nebula et un prix Locus, excusez du peu) est une des plus longues nouvelles du recueil et peut-être la plus étrange. Censée de dérouler dans un avenir très proche, cette espèce d’utopie relate la création d’une communauté de sourds et aveugles décidés à concevoir une société adaptée à leurs besoins physique et moraux, en développant notamment un langage basé sur le toucher. Ni sourd ni aveugle, le narrateur tente néanmoins de s’y intégrer. Très originale, cette nouvelle semble aussi très marquée par les idéaux des sixties (d’où certains passages un peu surannés).
Si toutes les nouvelles, et j’en passe quelques unes, ne sont pas aussi marquantes, toutes valent un minimum le détour pour le ton adopté par John Varley, souvent légèrement ironique. L’auteur ne se prend pas totalement au sérieux, on frôle parfois la parodie (notamment dans Raid aérien) et cela confère un sel certain à ses histoires. Au final, il dispose d’au moins une bonne idée pour chaque nouvelle (Dansez, chantez, tourne notamment entièrement autour de la musique) et en tire à chaque fois une histoire au pire sympathique, au mieux très agréable, qu’elle se déroule dans un univers de space opera ou dans un avenir proche. Du coup, Persistance de la vision est un très bon pourvoyeur de science-fiction, à la saveur parfois rétro mais jamais complètement dépassée, qui ne doit pas nécessairement être lu d’une traite pour être apprécié.
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