J'avais déjà un souvenir assez médiocre du premier opus de la série des Phryne Fisher, celui-ci n'est pas fait pour améliorer mon opinion.
Alors je veux bien passer sur le fait que Kerry Greenwood ait manqué d'inspiration au point que l'intrigue policière de départ n'ait pas suffi à constituer un roman et qu'elle se soit vu obligée d'en inventer une seconde, sans rapport avec la première, pour faire du remplissage. Je veux bien passer aussi sur l'incohérence qu'il y a à vouloir mettre en scène une héroïne soi-disant "moderne" des années vingt tout en laissant sentir au lecteur qu'on a en horreur l'art moderne, la psychanalyse et tout ce qui s'ensuit, ce qui nous laisse une héroïne qui n'est moderne que parce qu'elle collectionne les mecs ; c'est un peu limité comme vision de la modernité, mais bon, soyons bons princes. Je passe encore sur le fait qu'on voit beaucoup plus Phryne changer de vêtements tout en s’émerveillant de sa beauté et de son sex-appeal, ou encore attablée à son petit-déjeuner, ou à son déjeuner, ou encore à son dîner, plutôt qu'occupée par ses deux enquêtes simultanées. Je vais aussi glisser sur le fait que l'héroïne, censée attirer la sympathie du lecteur, passe son temps à donner des ordres à tout le monde (policiers, amis, filles adoptives, employés, inconnus, et j'en passe) et à mettre lesdites personnes constamment en danger. Bon, en fait, c'est pas une fille sympa, mais c'est pas trop gênant, même si l'auteure essaie de toutes ses forces (mais très maladroitement) de nous faire croire qu'elle l'est.
Là où ça devient tout de même bien pénible, c'est que, non contente de n'avoir su qu'ébaucher deux intrigues maladroites et terriblement succintes, Kerry Greenwwod n'ait même pas eu le courage de se documenter sur son sujet. Nous voici donc avec une histoire policière concernant des anarchistes lettons qui ont émigré en Australie pendant les années 20, grâce à laquelle les lecteurs, pour la plupart sans doute peu familiers de la chose, vont découvrir que l'auteure du roman n'en sait pas plus qu'eux. Alors, comme c'est un roman policier historique, l'intérêt aurait été d'apprendre deux-trois trucs sur la thématique traitée tout en se divertissant, comme on a en a souvent l'habitude avec les romans policiers historiques de la collection Grands détectives de 10/18. Bon, ben, là, c'est raté, on saura juste que les anarchistes étaient de "sales types" (c'est répété à l'envi). Et comme cerise sur le gâteau, un peu de négationnisme ne faisant jamais de mal, Kerry Greenwwod ne s'en prive pas en faisant dire à une de ses personnages que l'Australie n'avait pas d'histoire avant l'arrivée des colons européens, sans être contredit par personne (et surtout pas par notre sympathique Phryne). Les Aborigènes ? Kerry ne connaît pas, visiblement.
Donc, à quoi le lecteur aura-t-il droit dans le prochain volume des aventures de Phryne ? Apprendrons-nous que ni les animaux, ni la végétation n'existaient avant l'apparition de l'être humain ? Un peu de créationnisme, Kerry Greenwwod, pendant qu'on y est (il n'y a qu'un pas à faire et il n'est pas bien grand) ??? Je crois que, pour ma part, je vais m'en tenir là et éviter de croiser à nouveau le chemin de Phryne Ficher.