C'est au cours d'une conversation un brin passionnée avec deux membres de ce site que j'abordai ma fascination profonde pour la lycanthropie. Il faut dire que j'ai beau faire en sorte d'exhiber ma pluralité d'intérêts, on me fiche assez aisément, et à raison, comme amoureusement attiré par les créatures de l'imaginaire propices au affabulations les plus improbables. Tout en discutant, quelques clics nous amènent sur une poignée de pages fort à propos, et c'est en y revenant plus attentivement par la suite que je tombai sur la référence de ce bouquin que j'me suis immédiatement empressé de dénicher.
slowpress et Athanor, merci beaucoup donc.
Bref, maintenant que les bonnes convenances sont passées, tâchons d'expliquer un peu en quoi ce bouquin est une petite perle assez singulière.
Jack Williamson distille dès les premières lignes une atmosphère lugubre et glaciale, tableau gelé de corps blafards dans l'obscurité et de nappes de buées évaporées dans les cieux de suie. Des silhouettes amassées attendent dans l'inquiétude le retour d'une équipe de chercheurs partie depuis des lustres et semblant détenir la clef d'un mystère ignoble. Les êtres figent leurs statures dans la nuit, fouettés par les embruns de givre, pénétrés par une insidieuse humidité. Ils guettent et tentent, les entrailles enserrées, de ne pas ployer sous la tension du non dit.
J'en dirai pas plus sur le contexte de départ (parce que j'ai pas envie, et paf), mais je me contenterai ici de louer encore le style de l'auteur, échafaudant un récit extrêmement fascinant, se plaisant à malmener son personnage principal, ombre de lui même, déchet humain, alcoolique et livide, sombrant petit à petit dans ce que son entourage de fantômes intangible et appuis instables se plaira aisément à nommer la folie. Errant de son appartement miteux aux tréfonds d'un asile psychiatrique en passant par les routes nocturnes nimbées de phares furtifs, Will, éperdument amoureux d'une femme détestablement secrète et fugitive qu'il accuse de sorcellerie à son encontre pour en faire un esclave meurtrier, est jeté dans ce climat paranoïaque constamment obscur et désespéré où chaque touche de couleur, chaque apaisement momentané est constamment contrebalancé par une bourrasque soudaine, violente et pétrifiante de froid. Chatoiement d'automne glaçant, cheveux de feu et lèvres de sang.
Et c'est dans un style bourdonnant, étrange narration de l'indicible qu'on pourrait situer entre l'horreur intangible de Howard ou Lovecraft et le scientifiquement fantastique d'Edgar Allan Poe, que Williamson va aborder de manière fine et forte le thème si envoûtant de la lycanthropie.
Des livres sur le dit thème, je n'pense pas que ce soit légion et pour être honnête, j'en ai pas lu beaucoup, du moins pas dont ce soit le sujet principal, mais je pense pouvoir affirmer que celui ci, en plus d'être un des pionniers du genre, s'avère une des références incontournables sur le fabuleux mythe de poils et de babines retroussées.
Plaçant son intrigue dans un contexte à la fois scientifique, psychologique, historique et anthropologique, Williamson arrive à ficeler un conte de mâchoires mouchetées d'écarlate sur un terreau on ne peut plus intrigant et captivant. Reprenant la Bible, l'Egypte ancienne, la Mythologie et autres mythes et légendes, le tout éclipsé de manière synthétique pour éviter avec brio tout risque de s'embourber dans un marécage d'incohérences, il mène son histoire vers un final qui pointe une espèce de léger sarcasme tout à fait bienvenu et couronnant l'ensemble de la plus belle des manières.
On pourrait évidemment s'attarder plus avant sur les multiples interprétations dont une telle oeuvre pourrait accoucher, constamment en parallèle avec le monde de la psychanalyse et des légendes populaires, questionnant l'inconscient dans ses recoins les plus sordides, mais j'ai préféré me laisser emporter par ma fascination pour le mythe, ma passion pour les griffes et les crocs et le talent narratif de ce type dont je vais m'empresser de dénicher les autres oeuvres dont certaines sont apparemment également très recommandables.