Rendre le monde indisponible est un essai dérangeant puisqu’il nous met face à une des dérives humaines contemporaines: celle de vouloir tout contrôler. En effet, l’être humain connecté et consommateur a une disponibilité apparente des êtres et des choses et a perdu la notion d’effort pour obtenir des relations « résonnantes » et se fourvoie dans des directions qu’il voudrait atteindre facilement alors que la vie est imprévisibilité, contretemps et obstinations pour se réaliser dans une variété de domaines différents.Hartmut Rosa parvient plus ou moins, en fonction de notre résonance face aux thèmes qu’il aborde, à faire comprendre qu’il nous faut accepter l’indisponibilité pour garder notre humanité. Cela signifie ancrer son existence dans une modalité d’accueil des choses, des êtres et des événements. C’est ce que nous avions avant que la technologie nous bride, nous noie dans le discours mainstream et dans une binarité sclérosante. La spontanéité, l’acceptation de l’impermanence et l’écoute de nos affects sont donc des solutions précieuses pour ne pas perdre notre âme et ne plus diluer notre identité dans des réflexes conditionnés. Dans cet essai, Hartmut Rosa, en dressant la liste de notre incomplétude contemporaine, cherche plus à faire prendre conscience à son lecteur que notre société, sous une apparente disponibilité dans la démocratie, la finance, le médical ou la rencontre, que l’obligation de résultat va primer sur notre bien-être, notre recherche saine de réciprocité et de véracité. La dissolution de l’être dans ce grand tout globalisé nous demande donc de rendre le monde indisponible, d’être vigilants pour ne pas perdre de vue la chance de notre authenticité et de notre libre-arbitre.