Fiche technique

Auteur :

Jean-Louis Harouel
Genre : EssaiDate de publication (pays d'origine) : 2014Parution France : 2014

Résumé : Les noms des pays européens demeurent sur les cartes de géographie et les documents officiels. Mais, en réalité, ces pays sont en train de mourir de l'intérieur car on leur a retiré leur colonne vertébrale : la nation. En Europe occidentale, on nous dit que le temps des nations est terminé. On nous explique que nous sommes entrés dans l'ère du post-national. Pourtant, l'État-nation fut à la fois «création et créateur de l'Europe moderne». La réussite exceptionnelle de l'Europe occidentale dans le domaine de la civilisation s'est construite au cours d'une histoire millénaire principalement dans le cadre des nations. Pourtant, hors d'Europe, la nation ne s'est jamais si bien portée. Le modèle européen de l'État-nation s'est répandu à travers le monde. Dans la seconde moitié du XXe siècle, le nombre des États-nations s'est trouvé grandement multiplié par la décolonisation, si bien que l'«identité nationale devint un patrimoine mondial»3. Pourquoi la nation aurait-elle cessé d'être bonne pour l'Europe occidentale, alors qu'elle est bonne pour les États-Unis, la Chine, l'Inde, Israël et bien d'autres ? De surcroît, ces nations sont très satisfaites d'elles-mêmes. Les États-Unis se considèrent comme «la seule nation indispensable», ainsi que l'a proclamé Bill Clinton lors du discours d'investiture de son second mandat présidentiel, en novembre 1993. Cette idée de l'Amérique comme la «nation indispensable» a été reprise en plusieurs occasions par le secrétaire d'État Madeleine Albright. Quant à la Russie, elle a été affirmée nation «indispensable» à l'ordre mondial par Vladimir Poutine devant le Club Valdaï, en septembre 2013. La fierté des nations asiatiques ne cède en rien à celle des Américains et des Russes. En particulier, même si «nos vieilles nations post-historiques ont du mal à le comprendre», les passions politiques ont une vigueur intacte en Chine et le nationalisme chinois «déploie une rhétorique agressive au service de la mobilisation patriotique»1. Justement fière de sa très vieille et brillante civilisation, la Chine est animée du sentiment d'une immense supériorité nationale, conforté par l'extraordinaire décollage économique intervenu depuis le début des années 1980. Inversement, sans que les peuples concernés aient été consultés, les nations européennes sont entrées dans un processus de désintégration programmée, prétendument conforme à une loi de l'histoire. Mais une loi qui ne concerne apparemment que l'Europe occidentale ! Les nations européennes sont captives des chaînes qu'elles se sont elles-mêmes données dans le but de se dissoudre dans l'universel. L'estime de soi, que l'on prêche surabondamment aux individus dans une vaste littérature psychologique, est radicalement refusée aux nations européennes. Toute fierté, tout particularisme sont interdits aux peuples européens. On ne leur reconnaît qu'un devoir d'universalisme. Or l'amour cosmique n'est pas la justice. Le juste exige un cadre humain et territorial à la fois délimité et le plus homogène possible, dont la forme la plus réussie est l'État-nation. Le fait que l'amour universel n'est pas la justice a été mis en évidence par un rabbin italien d'origine marocaine, mort en 1900, Élie Benamozegh. Partant de l'exemple juif, il considère que la justice ne peut se réaliser vraiment que dans le cadre de la nation et sous le régime de la loi nationale. Garant de la loi, l'État est responsable de la justice. Dans la mesure où elle prétend nier la nation, la fraternité universelle refuse sa légitime part au principe de la justice.