La chronique littéraire sur les radios de l'Arc jurassien

Le 2 janvier 1952 à New York, Caroline Bender s'élance de la bouche de métro vers son nouveau travail.
Les éditions Fabian ont procédé à leur recrutement annuel de secrétaires, pour remplacer les futures mariées. Caroline est jeune, belle, élégante et seule, comme presque toutes les jeunes femmes qui travaillent. Tout ce qu'elle veut c'est lire des manuscrits et passer ses soirées au bar avec Mike, le quarantenaire solitaire qui dirige un magazine.
April est engagée en même temps que Caroline, dans le bureau des dactylos. Elle vient de la campagne et n'est pas très élégante, mais elle s'endette rapidement dans les boutiques et cumule les virées nocturnes. Pendant la fête de l'entreprise, elle rencontre Dexter, un fils à papa dont elle tombe amoureuse et rêve secrètement qu'il la demandera en mariage. Mais Dexter n'en est pas à sa première copine, et il a vite fait de lui promettre la bague au doigt pour obtenir ses faveurs.

Ces filles n'ont qu'une seule chose en tête, l'amour. Mais la ville les fait vite changer d'avis, pour certaines. Caroline trouve dans son travail une véritable passion, alors qu'au départ, elle voulait une occupation pour cesser de penser à son fiancé, parti avec une autre. Elle devient lectrice, prend des décisions sur des manuscrits importants, rencontre des auteurs, s'occupe de leurs carrières.
Qu'une femme fasse passer sa carrière avant le mariage n'est pas encore admis, mais existe.
L'auteur, Rona Jaffe est l'une de ces jeunes femmes. Quand elle écrit Rien n'est trop beau, elle travaille depuis 4 ans dans une maison d'édition new-yorkaise. Jerry Wald, un producteur hollywoodien qu'elle connaît, lui laisse entendre qu'il recherche un Kitty Foyle moderne, un livre sur des filles qui travaillent à New York, et pas un livre écrit par des hommes selon leurs fantasmes.

Ce qui est étonnant dans ce livre, c'est de voir à quel point la sexualité était débridée, même si les contacts hommes-femmes étaient soumis à des règles de bienséance très strictes.
Cachés, tenus secrets, les désirs étaient bien plus présents qu'on ne le pense.
Après le travail, il était courant d'aller boire un verre avec ses collègues, et cela finissait souvent avec la main du patron sur la cuisse, voire plus haut, et pas toujours de manière consentante.
Les hommes avaient tellement de pouvoir qu'il était facile de pousser une jeune femme à l'avortement sous promesse de mariage ou à l'acte sexuel sous menace de licenciement.
Mais la sexualité reste une curiosité, un bonbon bien emballé qu'on a envie de goûter, même si c'est interdit. Même si la virginité reste quelque chose d'important.

Paru pour la première fois en 1958, ce livre est un témoin de son époque et fourmille d'informations importantes sur la condition de la femme.
Rona Jaffe est lucide sur la difficulté d'être une femme dans un monde d'hommes, prise entre l'écoute de ses désirs et l'éducation puritaine qu'on lui a inculquée. S'il y a eu la libération sexuelle une quinzaine d'années plus tard, c'est grâce à ces femmes, qui ont su poser les fondements d'une société moderne.