C'est pas passé loin
Quand j'ai vu ce bouquin dans la librairie, j'ai d'abord été attirée par sa couverture, la douceur du rose et des courbes du ballon, la poésie du titre. Et puis, j'ai lu le résumé, et je me suis dit : " Tiens ! Potentiellement un bon roman de littérature jeunesse sur la grossophobie, le harcèlement scolaire mais surtout l'acceptation de soi. Voici peut-être une oeuvre qui peut contribuer à changer les mentalités et à rendre de jeunes lecteurs plus tolérants".
Eh bien non. Mais c'est pas passé loin.
[SPOILS à suivre]
Cela démarrait bien. Mal-être ado, mal-être de grosse décrits en finesse, l'héroïne est crédible, on s'y attache et c'est d'autant plus facile qu'elle est lucide sur elle-même : elle a un souci avec la nourriture et elle le sait, elle se déteste mais n'a pas encore la force de changer. De plus, des mecs de sa classe la harcèlent (en classe, sur internet...), et sa meilleure amie finit par arrêter de la soutenir de peur de se mettre son nouveau mec (un ami des harceleurs sans cervelle) à dos.
Pourtant, un camarade de classe tombe amoureux d'elle telle qu'elle est, mais empêtrée dans ses sentiments et ses complexes, Saskia n'arrive pas à y croire et à concrétiser cette relation.
À ce point de ma lecture, je me frottais les mains car ce type de relation me faisait un peu penser à l'excellent Eleanor & Park, que j'avais plus qu'apprécié.
Et là le livre se barre complètement en sucette et retourne complètement sa veste quant au contrat de lecture : la victime du harcèlement est totalement responsable de la situation ( elle "offrirait" une cible facile aux autres en n'ayant pas la "volonté" de mincir, pire, elle ne "compte" pas pour certains personnages car elle est grosse), et l'héroïne finit par s'accepter oui. Mais après s'être rendue au jugement de son entourage et avoir perdu du poids, sous l'impulsion d'un "défi" lancé par un mec qu'elle déteste. Ces deux derniers points sont inacceptables : bien que ce soit positif d'aborder le surpoids sans misérabilisme, c'est comme si une bénédiction était donnée aux harceleurs, car après tout, elle n'a qu'à se contrôler et ne pas être grosse n'est ce pas? Et plus important, cela n'aurait-il pas été plus fort, plus positif, que l'héroïne s'accepte avant de perdre du poids, plutôt que de d'abord céder à la pression sociale?
Alors à la fin, en quelques lignes, l'auteur balance tout de même histoire de rattraper la sauce que des mesures anti-harcèlement ont été prises, que les auteurs de ce dernier ont été renvoyés, que la meilleure amie de Saskia a eu une prise de conscience... Et aussi que Saskia est grosse à cause d'un problème de tyroïde et qu'elle ne pourra guère perdre que quelques kilos, du coup pas le choix il faut qu'elle s'accepte car "on" l'a faite ronde. Mais tout cela est bien trop grossier et vient bien trop tard, le mal était fait quelques pages plus tôt.
[Fin du SPOIL]
Pour résumer, un joli ratage que je récompense quand même de quatre étoiles, parce que merde, vraiment, c'est pas passé loin.
Créée
le 17 févr. 2017
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