Poussif avant de s'activer un peu sur la fin
Jean d’Aillon livre la suite des aventures de son héros Guilhem d’Ussel. Elles sont un peu plus réussies que les précédentes, dont je n’ai lu que « Rome 1202 », qui s’établissent comme suit :
• De taille et d’estoc
• Marseille 1198
• Paris 1199
• Londres 1200
• Montségur 1201
• Rome 1202
Il faut déjà un bon quart ou un petit tiers, au choix, à Jean d’Aillon pour dresser le tableau général de son histoire, mettre en place les principaux protagonistes (hors la troupe de Guilhem d’Ussel) à savoir le clerc qui vire sa cuti et, grâce à de fortes prédispositions à l’emportement, devient brigand, l’ancien templier qui se trouve en possession d’une sainte relique sur laquelle lorgne notre clerc et Ali-i Sabbah, rafiq originaire d’Alamut, patrie des hassasseini ou hashischins selon les versions, en mission en France pour retrouver et punir le scientifique qui a volé de précieux documents dans la bibliothèque de la forteresse dont il vient.
Tout ce petit monde va croiser la route de Guilhem d’Ussel et se retrouver du côté de Rouen, au moment où le roi Philippe Auguste poursuit sa guerre contre Jean sans Terre en « bocages » normands.
Jean d’Aillon n’est pas avare de recherches historiques et le montre dans son livre avec moults précisions quant aux pédigrées des personnages réellement historiques, pléthores de références géographiques/historiques/politiques. Tout est archi-documenté. Un peu trop parfois et on a vite fait de se perdre tant les histoires d’alliances, de trahisons, de mésalliances, de haines, de jalousies ou de jeux de pouvoir sont complexes et tant les personnages de hauts rang sont tous plus ou moins liés familialement entre eux, plus ou moins cousins/oncles/tantes/nièces/frères/neveux les uns des autres.
C’est finalement par ce prisme là qu’il convient de lire ces livres, dans ce qu’ils ont de compte rendu d’une époque lointaine et mouvementée, dans ce qu’ils ont de témoignage de la vie de toutes les couches de la société, du plus humble au plus royal.
L’intrigue devient secondaire et n’est plus qu’un prétexte. Il devient alors délicat de la juger pour autre chose que cela : un artifice narratif pour habiller le véritable matériau du livre. Ma méconnaissance totale de cette époque ne me permet d’ailleurs pas de juger de la pertinence du trait de Jean d’Aillon. Toujours est-il que le roman est par trop ancré dans la réalité historique pour distiller à la trame narrative un souffle totalement échevelé et épique digne de Dumas, sans qu’il soit pour autant totalement absent.
Si on arrive à mettre de côté l’aspect didactique du livre, propre à ces récits historiques (et plus l’histoire est ancienne plus la didactique semble nécessaire), le caractère de Guilhem d’Ussel, aventurier au passé trouble, n’est pas sans attirer le lecteur dans ses filets et l’on se prend quand même à chevaucher avec lui, à tirer l’épée avec lui, à s’émouvoir avec lui, à se jeter dans la gueule du loup avec lui. Surtout dans les 80-90 dernières pages qui voient le dénouement approcher et l’histoire nettement s’accélérer pour un final plutôt « sportif ».