Alors que les romans français inondent les librairies à l’heure de la rentrée littéraire 2018 (ceci explique cela), un bon bol d’air a été offert du côté de la littérature étrangère avec le deuxième roman d’Ivy Pochoda, Route 62 publié aux éditions Liana Levi. Entre fuite et destins brisés avec comme toile de fond une Cité des Anges déchus plus vraie que nature, Lettres it be est parti sur la Route 62 et vous en ramène quelques souvenirs.
La bande-annonce
Blond, athlétique et complétement nu, il court sur l’autoroute au milieu des embouteillages du matin à Los Angeles. Comme s’il n’attendait que ça pour s’arracher à un univers trop lisse, Tony, un avocat, quitte brutalement sa voiture pour le suivre. La poursuite de cet étrange coureur l’entraîne du côté sombre de la Cité des Anges, là où tous les déglingués de la vie semblent s’être donné rendez-vous. Britt, porteuse d’un lourd secret, et un temps réfugiée dans un ranch aux allures de secte en plein désert des Mojaves. Ren, ex-taulard et graffeur à la recherche de sa mère. Blake, dealer tourmenté qui veut venger la mort de Sam, son partenaire de galère… Parce qu’il s’est mis en danger, la carapace sociale de Tony se fissure, annulant la distance qui d’ordinaire le sépare des gens qui peuplent les rues crasseuses de Downtown. Et à travers son regard, qui pourrait être le nôtre, se déroulent les destins singuliers de ces personnages en rupture qui un jour, sans s’en rendre compte, ont emprunté la mauvaise route…
L’avis de Lettres it be
Un homme nu court sur la route. Un avocat sans histoire se lance à sa poursuite, sans réfléchir, abandonnant sa femme au téléphone. Et tout le reste. « Ça a commencé comme ça », comme dirait l’autre. Une fuite en ouverture, des fuites pour la suite à venir. Ivy Pochoda, après son premier roman L’autre côté des docks paru en 2013 chez Liana Levi et couronné du prix Page-America, se jette à corps perdu dans la question du choix de fuite dans des existences qui, peut-être plus que jamais, nous cantonnent à la banalité convenue. Et tous les personnages du roman de jouer la chose à leur manière, accompagnés de leurs turpides, leur culpabilité.
Tony, puis Ren, puis Sam et Blake, ou encore Britt… On en croise du pas très beau monde dans ce nouveau roman d’Ivy Pochoda. Des destins éparses, bousculés, griffés, et qui tôt ou tard se retrouveront au fil du roman. Ce serait là un résumé qui ne ferait pas honneur au travail d’un auteur qui explose à chaque page. En effet, en retraçant l’existence de ces vies au ras du sol, Ivy Pochoda prend le parti (peut-être un peu poussé) de parler de ces gens coupables de n’être que peu de choses, englués dans une société immobile. Il y a du vrai qui se dégage de ces pages, du vrai par dizaine. Et, en toile de fond, un autre personnage prend dans ce roman une ampleur toute particulière : Los Angeles. Une ville présentée d’abord par ses coins sombres, ses zones d’ombre. Un brillant travail d’immersion qui, à lui seul, vaut le détour.
Il y a du Kerouac, il y a quelque chose qui fleure bon la Beat Generation sur le tard. Ivy Pochoda s’inscrit dans une lignée un brin dépoussiérée ici dans Route 62. Les personnages foisonnent, pullulent et pataugent dans leur drame, et les situations diverses (mention spéciale pour le ranch communautaire façon Raël) viennent rythmer un roman qui se conclut aussi bien qu’il avait commencé.
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