Eva de Vitray-Meyerovitch expose dans cet essai le soufisme, mysticisme propre à l’Islam, et notamment Rûmi le fondateur de la confrérie des derviches tourneurs.
Sans être focalisé sur Rûmi, ce texte explique le soufisme en mettant en exergue le cas exemplaire de Rûmî, nommé le Maître ou Mevlâna en turc.
Un premier chapitre se consacre à retracer la vie de Rûmî, son ordre et ses œuvres. Il nait en 1207 au nord de l’Afghanistan mais fuit devant l’avancée mongole jusqu’en terre turque sous domination seldjoukide à Konya dans où il se marie, s’instruit et crée ce qui deviendra une des confréries « tariqa » les plus connues et les plus influentes : les derviches tourneurs.
Un deuxième chapitre explicite la voie spirituelle qu’est le soufisme par son commencement, l’expérience, l’Amour et la fin de la voie.
Le troisième chapitre met en avant la dialectique platonicienne à l’œuvre dans l’enseignement : la maïeutique.
Un dernier chapitre donne quelques pistes pour comprendre la diversité du soufisme en évoquant ses confréries les plus représentatives.
Dans cet essai, tout n’est pas limpide et cela serait même étrange si on garde en mémoire qu’on traite ici de mysticisme.
Eva de Vitray-Meyerovitch, islamologue au CNRS et adepte du soufisme, a écrit ce livre dans le courant des années 70. Et une simple réaction me vient à la suite de cette lecture qui pourrait être, au choix, une critique ou un éloge : point on ne parle de radicalisme musulman, d’opposition entre l’Islam et l’occident. En effet, lors de sa rédaction, Al Qaida n’avait pas inventé un nouveau jeu de quille obscène avec des gratte-ciels, Téhéran pavoisait encore sous les ors de la dynastie Pahlavi. A l’époque, l’Islam était perçu bien autrement … Sans rechercher d’opposition bloc à bloc (ce qui d’ailleurs n’aurait eu aucun sens à l’époque), l’auteur apporte par touche simple des éléments constitutifs dont la complexité ne provient pas du fait que cette religion soit différente de celle qu’on pourrait pratiquer, cohabiter ou connaître mais devant la quasi-impossibilité à transmettre au monde profane l’expérience du mysticisme. Et encore, par ce court essai structuré par des éléments relativement simples, l’auteur parvient à surmonter la gageure !
Petits points anecdotiques : dans l’empire ottoman, le maître des derviches tourneurs remettait l’épée de commandeur au sultan. On ne s’étonne donc pas qu’Atatürk ait interdit cette confrérie après la proclamation de la république. Pour les autorités religieuses, notamment celles demandant le respect de la sunna et de la charia, le soufisme a toujours été vu avec suspicion et souvent combattu notamment pour sa propension au cosmopolitisme et ouverture au monde. Dans certaines confréries soufies, la participation est ouverte à tous, membres de la confrérie, musulmans ou non. Ainsi l’empire moghol créé par Babur, musulman strictement sunnite, a su s’implanter, se faire apprécier et durer près de 300 ans dans une Inde hindouiste en encourageant notamment le soufisme, vecteur de tolérance et d’ouverture.
En général, le soufisme est en totale opposition avec le radicalisme et je regrette que cette voie ne soit pas plus connue en Occident et souvent rangée sans discernement avec leurs pires adversaires et opposants. Dans la distinction et le discernement réside la valeur.

Créée

le 15 juin 2014

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