"Il était d'une beauté qui vous guérissait du temps et des angoisses."
"Jean était un chien de race, et vous un bâtard déguisé en chien de salon"
"Il voulait être aussi visible publiquement qu'il était transparent dans l'intimité"
Vraie/Fausse correspondance entre des écrivains et personnages de la scène culturelle Française du début du XXe siècle.
Je l'ai abandonné deux fois dés son début (alors que livre très court!) mais je découvrais ne pas être fan de 'romans' épistolaires.
Puis je l'ai repris des années après en format poche et clic! ...j'ai alors entendu les voix de chacun: et comme beaucoup semble du commérage malveillant, j'imagine que ça a fait appel à mes plus bas instincts versant dans les cancans, les potins et racontars de toutes mains. Barbara Israël me déculpabilisant par son style et formules adaptés à chacune des voix-off.
"...(on dit que la Proust) "avait souvent besoin de regarder des rats s'entre-tuer pour atteindre la jouissance (...) Albert me narra par le détail la descente de police (trouvant) Proust en compagnie de militaires bien montés. Il fût fiché comme pédéraste. "Proust, Marcel, quarante-six ans, rentier, 102 Bd Haussmann." Il en fut très affecté".
Remarques en vrac:
- C'est parfois un peu pipi-caca, c'est sans doute pour cela que je l'ai finalement terminé; c'est même parfois très très cancanier, voire une sorte de Frenchie Shore mais où les personnages en conflits (ou baisant) ou croisés, seraient Cocteau, Chanel, Pierre Reverdy, Gide, Paulhan, Violette Leduc, Albert Modiano (le père de), Julien Green, Gérard Magistry, Mauriac, les Maritain, Radiguet, Albert Le Cuziat, Chardonne, Philippe Monceau, Julien Green, des filles de pasteur, Albert Sciaky (colocataire résistant, lui, dont le nom de plume était François Vernet; dans l'appartement où naitra et commencera à écrire Patrick Modiano, "15 quai de Conti") etc.
- Je connaissais Max Jacob à cause de Jean-Claude Brialy l'ayant joué dans 'Monsieur Max' (j'en comprends mieux ce casting adéquat). Max Jacob et Maurice Sachs ont tout deux eu des velléités de rentrer dans les ordres et ont porté des habits de moines vite perdus...trop envie de se masturber pour l'un (Jacob); habit soulevé sur une plage du Sud de la France en ce qui concerne Sachs.
- Max Jacob se serait reconnu dans le roman 'Alias', donc à clé, de Maurice Sachs: "César Blum concupiscent et coupable qui baise, prie, peint, baise, prie, peint..."
- J'apprends au passage que Picasso a conseillé à Jacob d'abandonner la peinture?! (mais au vu de récents docs sur Picasso, je ne sais plus si ce conseil était désintéressé, sincère ou juste de la manipulation mentale par jeu de pervers sabotant les autres...)
- J'apprends aussi que ce Sachs, juif, a été converti, poussé, pressé au catholicisme par un abbé nommé ...Pressoir; ce débile précisant sur l'acte de conversion que Sachs renonçait "aux erreurs des juifs" (sic)...c'était bien la peine de signer cette merde pour (re)changer pour le protestantisme aux Etats-Unis.
- ...l'auteur rappelle que la haine ici "du juif", ou de groupes, commence souvent par la rencontre d'un individu qui "commet la faute de ne pas être exemplaire". J'apprends ainsi que ce Maurice Sachs, juif, serait la cause (sic) de l'antisémitisme de l'auteur Jouhandeau ...Barbara Israël le fait dire à Max Jacobs: Jouhandeau "vomissait sa bile anti-juive" (alors que proche de Jacob...et alors que chrétien et alors qu'en couple/relation sexuelle avec un Jacques Stettiner). "Les gens se trouvent toujours des coupables originels, des alibis au poison qui contamine leur sang": Sachs le juif se comporte mal, Jouhandeau se met alors à haïr cette "race". (Plus récemment, le vol de pain au chocolat à la sortie de lycée, donne l'occasion à des parvenus d'exprimer leur aversion pour d'autres sortes de "racailles").
- je préfère la touchante info que, comme pour le succès posthume du suicidé John Kennedy Toole , 'La conjuration des imbéciles', c'est la maman de Maurice Sachs qui s'est beaucoup battue pour les publications et succès surtout posthumes de son fils...(en preuve de succès, Sach a quand même sa page sur SC...bon, même La Charte criminelle du Hamas a aussi sa page SC, avec plein de 10).
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Je dois prendre désormais le temps d'aller lire des infos sur tous ceux mentionnés (un vrai Name dropping ).
Un personnage vraiment pas sympathique mais très bon avocat de lui-même (même si son argument principale me semble être l'hypocrisie des autres et la parabole qu'ils voient sa paille dans l'oeil mais ne voient pas leur propre poutre dans le leur ( L'oeil en question étant plutôt celui d'un titre de Georges Bataille): "Je n'étais plus (pas le) seul à incarner le désastre du monde" ou "...en termes d'absence de morale, je mérite votre mépris,(car) je ne suis qu'un petit joueur..."(sous entendu, comparé à vous).
Le tout m'a fait penser de loin aux arrivistes dans Prête à tout et Night call. Avec une touche de Benalla, "Un intrus au cœur du pouvoir", ici des Lettres...Il a travaillé comme réceptionniste à l'hôtel le jour mais était "petit protégé" de Cocteau la nuit, l'introduisant dans tous ses réseaux et connaissances (Marie Laurencin, Max Jacob, Picasso, Paul Morand etc.)
Maurice Sachs a vécu avec sa mamie, Alice Bizet (ex femme de Jacques Bizet qui effrayait l'enfant en jonglant/jouant devant lui avec son pistolet alors qu' alcoolique et morphinomane...peut-être "(afin) de me montrer que la vie est un piège, un abîme d'amertume, duquel on pouvait choisir de s'extraire").
Il me rappelle aussi parfois le personnage d'escroc dans Arrête-moi si tu peux, notamment lorsqu'on apprend au passage à la va-vite dans une lettre d'André Gide que ce Maurice Sachs serait parti trois ans aux Etats-Unis où il s'est converti au Protestantisme pour épouser la fille d'un pasteur avec laquelle, il n'aurait jamais couchée et l'a rendu très malheureuse...belle pub pour les Français à l'étranger!
Même s'il s'est finalement fait embaucher à la télé Américaine (NBC) pour des émissions politiques à énorme succès national. Ce qu'il sabote pour son amour pour un Henry Wibbels ( "à qui est dédié Le Sabbat").
Reviens en France sans sous en 1933.
Gide l'aide alors (quand même) et le confie à Jean Paulhan, signant contrat de livre "d'aventures" (...bien nommés) avec Gaston Gallimard.
Mais c'est pas assez pour subvenir à ses besoins: alors il vole Jean Cocteau (notamment des "originaux de Proust qu'il vend aux enchères".) Pris la main dans le sac, il continue à nier l'évidence en forgeant une fausse lettre de Cocteau prétendant lui avoir donné ces originaux (comme l'évêque Myriel?)...Barbara Israël invente/raconte que Gaston Gallimard est quand même alors bluffé et estomaqué du culot et aplomb de cet escroc têtu dont ils ne semblent tous pas dupe, mais semblent tous adorer l'observer.
S'il me rappelle aussi parfois le personnage d'escroc dans Arrête-moi si tu peux, à cause de ses arnaques et vols et forgerie d'écriture...comme l'ado du film, il découvre que son parent séparé a créé un belle famille heureuse à part, remarié "à Neuilly". Il se découvre d'ailleurs, comme lors d'une belle scène du film, un très beau demi-frère ...sauf qu'à la différence du Spielberg, il manque de peu de coucher avec lui.
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- Au passage, André Gide, raconte son vrai amour pour/avec Marc Allegret (en contraste avec le faux amour du quasi gigolo Sachs, gênant tellement il est flatteur/flagorneur): "(...Allegret) avait dix-sept ans et moi, presque cinquante. Il était d'une beauté qui vous guérissait du temps et des angoisses (...un soir) J'appris qu'il était chez Cocteau...à ce moment je sus réellement ce qu'était une pulsion de meurtre. Au mépris de mon amitié pour Jean." « Frenchie Shore » version snobs?
- Encore plus 'langue-de-pute' malsaine (des mieux éduqués que moi diraient qu'il est un sale 'persifleur'), Sachs raconte que Jean Cocteau porte malheur à ses amants qui meurent souvent violemment, les listant alors: "L'avion de Garros brûle () Jean Le Roy (se mitraille). La typphoïde ()emporte Radiguet. Marcel Khill est tué () La gestapo torture Jean Desbordes" etc...
- ...les fêtes au Boeuf sur le Toit chez son "ami Louis Moyses" où la seule exigence me rappelle celle dans le film de Patrice Leconte, 'Ridicule': ... "y faire preuve d'esprit".
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Je découvre après que François Angelier le conseille et en parle bien mieux que moi:
___""En 20 lettres imaginaires à des correspondants mythiques, le monde brillant, malsain et violent de l'écrivain Maurice Sachs.
Romancier et mémorialiste (auteur, notamment, du Sabbat et de Chronique joyeuse et scandaleuse), figure tressautante et sulfureuse des années 20 (lire ses souvenirs de l'époque recueillis dans Au temps du Boeuf sur le toit), Maurice Sachs aura été une sorte de monstre suave et d'enfant malsain auquel ses amis Cocteau, Gide, Max Jacob et Coco Chanel n'ont su résisté.
Hanté par la déchéance, perclus de malédictions familiales, une volatilité pathétique a fait de lui, au fil des jours, un trafiquant d'oeuvres d'art ou un séminariste, un directeur de collection ou un conférencier à la radio américaine, un giton cynique ou le gendre d'un ministre protestant, un admirateur de Thorez ou un collabo. Souvent, tout cela en même temps : un jeu de massacre...
Sachs a poussé l'infamie jusqu'à l'ascèse, fait de la saloperie une sorte de sainteté en creux, souillant ses amours, humiliant la confiance de ses amis et de ses amants.
Pour l'évoquer, la romancière Barbara Israël a osé l'impossible : descendre au royaume des morts, le temps d'y surprendre une correspondance intime et hors du temps entre Sachs damné et ses amis et amants : Gide, Cocteau, Chanel, Violette Leduc, ses parents, Julien Green"".
(François Angelier sur France Culture)
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Personnellement, ignare et souvent dans l'incapacité immédiate de vérifier les infos et allusions de Barbara Israël capable de changer de voix et ton comme un imitateur , j'ai fini par me demander si elle n'utilisait pas cette demi-ordure arriviste de Maurice Sachs pour elle-même vanner, régler leur compte en partie et déboulonner des Jean Cocteau, Chanel et compagnie, qui, je ne suis pas certain, sortent pas bien plus grandis que ce collabo de Maurice Sachs. Elle lui fait dire à leur sujet: "Seriez-vous assez stupide pour croire au mythe que l'on construit sur votre nom?"
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La pire des vannes du livre vient d'Anatole France qui aurait dit à la mort du grand-père de ce Maurice Sachs: "C'est dommage, il était meublant". Barbara Israël met ce rappel dans la bouche de sa maman à son fils Maurice, pour lui rappeler qu'il est descendant de ce que je perçois comme des clowns distrayants, des bouffons, que tolèrent des gens autour d'eux pour créer leur petit théâtre vivant, les distrayant autour d'eux...il me rappelle le rôle de Xavier Beauvois dans un film sur la famille italienne bourgeoise des Bruni-Tedeschi dans 'Un château en Italie'.
A propos de théâtre et de gens tolérant des bouffons voleurs autour d'eux car distrayants, ce Maurice Sachs a été interprété par Olivier Py dans le biopic de Violette Leduc.
La lettre inventée par Barbara Israël de Violette Leduc étant sans doute mon passage préféré.
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Bref, comme me le résume No_Hell de SC: "c’est toute une époque qui revit à travers les cancans que contiennent ces lettres", même si fausses.