Pas le livre le plus intéressant de Desrosières, mais une bonne introduction à son œuvre

Alain Desrosières, décédé récemment, aurait sans nul doute trouvé beaucoup de matière sur Sens Critique pour un prochain livre !

Lui qui a passé une grande partie de sa carrière à s'interroger sur la construction des chiffres et des statistiques, comme le livre Savoir et gouverner en témoigne, se serait demandé pour quelles raisons des gens passaient du temps à noter des œuvres sur Internet. Je me pose avec lui la question d'ailleurs : si vous avez la réponse, je suis preneur :) Il aurait aussi tenté de comprendre ce que cette nouvelle statistique des œuvres artistiques (avec un petit a) changeait ou allait changer à l'économie du secteur et à la manière d'appréhender lesdites œuvres.

Il l'aurait probablement fait avec modestie, sans prétendre avoir trouvé la seule explication possible, et avec une grande clarté, qualité assez rare pour un universitaire. Ces qualités se retrouvent dans ce livre intéressant qu'est Savoir et gouverner.

Pour autant, les chapitres réunis dans ce livre, issus d'articles ou de communications réalisés par l'auteur, sont courts et - me semble-t-il - souvent (trop) rapides. Selon les chapitres, cela m'a laissé une impression d'aridité (par exemple celui sur l'économie des conventions) et/ou de survol trop succinct du sujet, me laissant sur ma faim. Quelques chapitres laissent même une impression plus désagréable, notamment celui sur l'epistémologie de Cournot (si, si !) où l'auteur peine à raccrocher ses passionnantes histoires de chiffres à la pensée de Cournot qui n'a pas grand-chose à voir avec la choucroute. Desrosières voulait probablement faire plaisir à un ami éditeur passionné de Cournot en écrivant un article à partir de ce (très) passionnant sujet (l'épistémologie de Cournot !), mais était-il vraiment nécessaire de l'inclure dans ce recueil ?

Au total, ce n'est pas le livre le plus construit et le plus intéressant du pourtant très intéressant Desrosières. Pour ceux qui ne connaissent pas (encore) son œuvre, sa lecture peut cependant constituer un premier survol, avant se se plonger, pourquoi pas, dans "La politique des grands nombres".