Si j'étais un rêve... par Angélita
Nour et Lina ont donc 16 et 15 ans. Au début de leur correspondance, elles prennent des gants pour se découvrir peu à peu. Le ton du début n’est pas trop personnel. Elles se présentent, leur lieu de vie, leurs amis, ce qu’elles font. Le lecteur sent très vite une différence. Nour est beaucoup plus en retrait et se cache derrière des mots, le slam. Son malaise devient vite présent. Lina est plus expansive, optimiste, elle n’a pas de préjugés. Elle peut se mettre en colère, mais très vite elle réfléchit pour que la situation ne s’envenime pas.
Ce roman est un véritable coup de coeur pour moi, le premier de l’année 2015. Enfin, un auteur qui ne tombe pas dans le cliché du phrasé des jeunes. Je l’ai toujours dit, écrit, de nombreux adolescents ont de la culture, ils s’intéressent à l’actualité, ils sont sensibles et ont une bonne diction. C’est le cas ici et personnellement, j’en suis ravie.
Charlotte Bousquet nous dévoile les émois des adolescents et surtout cette peur du rejet, familial et amical, lorsque l’on se sent et que l’on est différent. Les mots sont très bien choisis pour décrire toutes les situations. Charlotte Bousquet ne verse pas dans le pathos même si le lecteur sent très vite que Nour n’est pas bien dans sa peau. L’auteur est très sensible pour tout raconter, que ce soit une journée de neige, la mort d’un cheval, la situation politique des deux pays (car oui, elles s’intéressent à la politique et à l’économie, elles ne sont pas obtus). D’ailleurs, le lecteur peut trouver une comparaison entre la France et la Bulgarie, concernant le rejet des êtres humains parce qu’ils sont étrangers. On a l’impression que les sujets politiques sont effleurés mais non. Le final peut prêter à sourire même s’il y a également beaucoup de tristesse avec des révélations. Il y a eu mensonge pour se cacher, pour ne pas être rejeté, mais il n’y a pas trahison. Charlotte Bousquet nous démontre qu’il reste tout de même de l’espoir et que tout le monde ne réagit pas forcément par l’exclusion de ceux qui sont différents. J’ai vraiment été touchée, souvent émue. Dans certaines situations, on peut compatir. Là, c’est l’adulte que je suis qui écrit ces mots car l’adulte ne souhaite pas voir un enfant, quel que soit son âge, souffrir.
J’ai trouvé Nour et Lina très attachantes. Elles sont en train de se construire et ce n’est pas facile à cet âge. Entre les dessins de Lina et les mots de Nour, elles peuvent arriver à tisser des liens encore plus forts.
Les références musicales sont nombreuses, notamment en matière de slam. Pour ma part, je ne connais que Grand Corps Malade. Mais il y a également Dead can dance, découvert il y a quelques mois de ça.
Même si ce roman est dans la catégorie Adolescent de Flammarion, pour ma part, je le destine également aux adultes qui peuvent réfléchir et ne pas juger tous ces jeunes en train de se construire. Même d’eux l’adulte apprend. En tous les cas, c’est ce qui a toujours été la base de l’éducation donnée à ma fille. Et à près de 20 ans, sans me jeter des fleurs, elle est une belle personne. Pour les jeunes, ce roman leur permet de réfléchir à la vie, à l’amitié, aux situations politiques économiques et politiques en France et en Europe mais ils ne seront pas formatés par les propos de l’auteur.
Je vais me permettre de compléter le titre du roman, Si j’étais un rêve… je serais moi.