Hé bah, pour une surprise agréable, en voilà une de surprise agréable ! Publié dans une petite maison d'édition, je suis vraiment tombé par hasard sur ce livre (et sur Lucille Cottin en convention.) Et après avoir lu sans déplaisir les 403 pages du roman, j'avoue que c'est assez réussi.
L'univers de Soen est assez destabilisant au début : on pense au début être dans un univers japonais médieval, puis on s'aperçoit qu'on est dans un japon fantastique dont elle a inventé elle-même les règle en mélangeant des concepts du folklore japonais (les yokais, le bouddhisme) a des éléments inventés par elle même (les tashas, les Sohei.) Et lorsqu'on commence à se dire "ok, je comprends quelques règles" on apprend finalement que c'est le monde entier qui n'est pas du tout conforme à nos attentes. Si l'on est bel et bien sur Terre, on est dans une uchronie où en plus des créatures fantastiques, les gouvernements mondiaux et les règles du monde ne sont plus les même. ( les gouvernements mondiaux ne sont pas régit de la même manière (par exemple, seules les personnes haut placées ont le droit de porter un nom de famille.)
Autre point fort, les personnages sont vraiment intrigants. Si l'on ne s'attache pas du tout au personnage de Soen, on s'aperçoit petit à petit que c'est volontairement et que c'est plus les personnages qui tournent autour de lui qui deviennent intéressant. Lucille Cottin souhaite nous montrer la montée en puissance d'un personnage, parodiant un peu les Shonen où le personnage principal est l'élu de la prophétie chargé d'éradiquer le mal.
Un des charmes du livre est que s'il prend son sujet au sérieux, il offre une forme de nonchalence dans son style, notamment dans ces moments où Lucille Cottin s'amuse à inclure le narrateur et le lecteur du livre comme s'ils s'agissaient de personnages de son livre. Ainsi, page 38 on peut lire :
Geoffrey attrapa le papier qui lui était adressé, le lut rapidement et
lâcha un juron sonore. Le narrateur aurait bien voulu détaille le
contenu des cette mision terriblement importante pour notre histoire,
afin que le lecteur en saisisse tout l'intérêt, mais, malheureusement,
Geoffrey était tenu au secret professionnel. Le narrateur se hissa sur
la pointe des pieds pour essayer de le lire par dessus l'épaule du
personnage. Hélas, il était plus petit que Sander. Ce fut un échec cuisant."
Et évidemment, la fin, même si elle se laisse quand même deviner de loin garde son impact initial, notamment par son impression de fatalité.
Attention, les spoilers qui suivent dévoile complètement la fin du roman.
En effet, on est dans un livre où.... le méchant gagne à la fin. Pour le coup, c'est intéressant parce qu'effectivement on subverti les shonen puisque le héros est voué à remplir la prophétie en devenant le mal absolu que celle-ci prévoyait.
Mais surtout il y a une désorganisation des personnages, qui sont persuadés qu'ils abatteront une carte maitresse, sauveront le coup au dernier moment, alors qu'ils ont pas vu venir ce qui était évident depuis le début. En cela le cliché du "mastermind" qui avait tout prévu est habilement détourné. De plus, Lucille Cottin décrit bien ce qui peut se passer dans la tête d'un personnage foncièrement mauvais : Soen trouve toujours un moyen de dédouaner ses défauts, et émet même des justifications à ses mauvaises actions ("il n'avait qu'à pas être comme ça" "vous m'épuisez" "je suis au dessus de tout le monde".) Et c'est vraiment bien joué.
Ceci dit, le roman est bourré de mystères non expliqués, de personnages évoqués mais jamais vus et à défaut d'une suite, j'espère qu'il y aura un autre livre dans ce même univers.
En tout cas, moi je suis prêt.