Stimulant, mais prudence !
Petit ouvrage provocateur et parfois follement amusant. Il présente, en face à face, des scénarios connus de nos vies amoureuses, sexuelles et reproductives, et les éléments que les scientifiques sont en mesure aujourd'hui d'avancer pour rendre compte de ces tranches de vie.
Il est conseiller de laisser l'arsenal de ses valeurs - y compris une bonne partie de sa pudeur - à l'entrée du livre. Certains des récits de Baker - qui y a manifestement pris un authentique plaisir de crypto-pornographe - proposent des mises en scènes qu'on trouve plus facilement dans la littérature érotique, voire jovialement pornographique. Le fait est que les scénettes proposées tentent de recouvrir nos comportements sexuels les moins avouables, dans la mesure même des avancées faites sur la la compréhension des dits comportements.
On y aborde l'adultère, le sexe contraint, les stratégies des hommes et des femmes pour la dissimulation, les premiers rapports sexuels, l'homosexualité, etc. , non pas sous des aspects généraux, mais sous celui des causes qui ont pu motiver tel ou tel comportement.
Comme pour tout ouvrage de (vulgarisation de) biologie comportementaliste, inutile de chercher du libre-arbitre dans tout ça - il en prend un sacré coup. Ce sont les causes organiques, humorales, sexuelles, biologiques au sens large (évolutionnaires) qui comptent.
Et l'auteur est souvent convainquant, sans doute sur les points qui sont scientifiquement les mieux attestés. La guerre des spermes dans le corps de la femme est la continuation stricte de la guerre des mâles pour féconder les meilleures femelles (c'est à ce niveau de terminologie là qu'il convient en effet de se positionner : il ne s'agit pas d'hommes et de femmes, mais de grands primates parlant).
Il est en revanche bien plus faible sur des sujets moins bien balisés. L'homosexualité est infiniment mieux traitée - quoique pas d'un point de vue comportemental - dans le bouquin récent de Balthazart. La scène proposée par Baker embarque un paquet de stéréotypes éculés - ne correspond plus à aucune réalité comportementale moyenne, s'ils l'ont jamais fait - et associe allègrement homosexualité à pédophilie _sans aucun fait scientifique pour étayer ce point_.
Ce qui fait planer un doute sur l'ensemble de l'ouvrage. Si les conclusions scientifiques ne sauraient être remises en doute, leur transformations en causes immédiates des comportements est bien plus problématique. On a plus l'impression que l'auteur, très souvent, embarque des analogies entre les régularités captées par la biologie et des scénarios comportementaux _qui n'ont fait preuve d'aucune validation autre que celle de l'imagination de leur auteur_ - autrement dit : on n'a aucune raison de penser que les comportements décrits sont représentatifs. Certains le sont sans doute. C'est bien plus douteux pour d'autres.
L'homophobie patente dans la description du cas homosexuel laisse à penser que d'autres de ces récits embarquent des valeurs, peut-être à l'insu de leur auteur, et ne sont pas des descriptions neutres de comportements humains. Un grand signe : ils sont _tous_ issus de comportements occidentaux. Et si les expériences - statistiques - nous dit-on ont été effectuées sur des populations variées, il conviendrait de voir à quel point les variables "culture d'origine" et "culture actuelle" ont été contrôlées.
Bref. Ca reste un petit livre très stimulant - surtout si, comme l'auteur de ces lignes, vous êtes un affolé de sciences et de sexe (j'avais mis 9, au départ). Mais à prendre avec précautions et esprit critique avant de considérer son contenu comme des vérités sur lesquelles effectuer des inférences valides (je mets donc 7, après réflexion).