Dans un avenir proche, la crise de l'énergie a poussé des multinationales à récupérer l'énergie géothermique s'échappant de failles au fond des océans. Si la surface du globe peut encore s'éclairer et se chauffer, c'est grâce à ces centrales posées à des milliers de mètres de profondeur. Et pour les entretenir, il faut du personnel très qualifié, modifié génétiquement pour sortir dans ces eaux glacées sous une pression titanesque. Première opération, l'ablation d'un poumon remplacée par un appareillage permettant de respirer sous l'eau, tel un poisson. Le port de lentilles spéciales permet d'y voir dans le noir. Les ouvriers se transforment en hommes amphibies, coupés du monde. Des équipes de six, qui sont également le prétexte à des expériences sur les rapports humains. Car ce ne sont pas véritablement des volontaires qui descendent au fond. Tous sont des névrosés, présentant une psychologie déviante.
Ce huis-clos au cœur des abysses est magistralement mené par Peter Watts, auteur canadien, biologiste marin de formation. Le personnage principal est Lenie Clarke, une jeune femme à la double personnalité. Elle devra côtoyer pédophile, violeur, tabasseur et serial-killer. Totalement autonomes, ils vont aller de surprise en surprise, de plus en plus attirés par l'extérieur, y trouvant un certain bonheur à vivre au milieu des poissons des profondeurs, gigantesques, toujours affamés, mais si fragiles. « Des dents comme des cimeterres se referment sur son épaule. Clarke se retrouve face à une tête de cinquante centimètres de large recouverte d'écailles noires. » Sa collègue va aller à sa rescousse « Ballard le met en pièces, à main nues. Les dents en stalactites de glace se fendent et se brisent. » En lisant ce roman, on est sans cesse entre l'horreur de l'âme humaine et les beautés des profondeurs glacées.