L'Histoire des histoires

Il est très dangereux en tant qu'Homme politique, porte parole d'une marque, ou manager dans une entreprise, de mentir à son public. Si l'on est pas directement condamné, on sera au moins couvert d'opprobre. Ce que l'on peut faire, c'est pousser les gens à se mentir à eux mêmes. Tout le monde aime se mentir à soi même, pour donner une consistance, une cohérence à nos actions. C'est la seule manière de supporter les dissonances cognitive qui nous habitent.

C'est en partant de ce principe que la communication a subie une révolution que Christian Salmon retrace dans ce livre. Au début on vendait le produit, puis on à vendu la marque, et aujourd'hui, on vend des histoires. Par la suite, c'est dans le monde de l'entreprise que les histoires sont devenues une forme de communication interne, à la fois en présentant des récits inspirants sur les leaders, mais aussi en développant toute forme d'échange possible entre les employés afin d'éviter la perte de productivité due au méfaits du "silence". Selon l'auteur le monde de la politique aurait vraiment basculé dans cette mode avec l'ère Bush Jr. aux USA, et Sarkozy en France. Les exemples dont il abonde montrent bien à quel point cette méthode est efficace dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne les campagnes d'élection ou les guerres. C'est d'ailleurs avec la création d'un cercle de recherche né de la fusion d'Hollywood et du Pentagone que ces techniques de communications se développent par la suite. A la fois en écrivant les différentes possibilités de sortie d'une situation complexe, mais aussi dans la création de systèmes de simulation de plus en plus immersifs. L'Histoire se finit par la révélation de la puissances des corporations médiatiques dans un monde géré par le Storytelling.

Ce livre est très bien documenté et riche de nombreuses anecdotes sur les différents mondes que parcours l'auteur. En révélant progressivement la force de la narration et tous les différents aspects de son utilisation pratique, ce livre parvient à nous ouvrir les yeux sur ce sujet sans jamais être trop dépréciatif. Il retrace le rêve américain, et tout ses compromis avec la réalité; il nous emporte dans une enquête sur un aspect de la sociologie qui n'est pas nouveau mais qui est de plus en plus présent dans tout les aspects de notre vie. Nous achetons des histoires, votons pour des histoires, travaillons pour des histoires. Citant souvent Bernays et Foucault, l'auteur suit la vision du premier et la méthodologie du second. Il nous révèle ainsi un phénomène d'influence des masses, tout en retraçant un segment d'Histoire délimité et en livrant de nombreux éléments documentaires. Passionnante et agréable à lire, cette étude reste à élargir sur le plan théorique.