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On m’a offert The Year of Yes à Noël sur le postulat que 1. J’aimais lire en anglais et 2. J’aimais les séries TV - postulat somme toute valable, d’autant plus que je fais partie des ces aficionados qui suivent l’intégralité des « Thursday Nights » d’ABC. Cela veut dire que tous les jeudi, je regarde les trois séries de Shonda Rhimes s’enchainer à coups de retournement de situation, de « OH ! » et de « AH ! ». Oui, je suis faible à ce point, et le pire c’est que j’aime ça.


Le premier constat qu’on peut faire après avoir lu The Year of Yes, c’est que Mme Rhimes est incontestablement une scénariste incroyable, mais une écrivain médiocre. Alors je sais, Year n’est pas un roman. C’est une mini-biographie doublée d’un self-help book (loin de moi l’idée de faire des anglicismes à tout va, mais « livre de développement personnel », ça perd un peu de sens). Mais le livre met en lumière le fait que ce qui sonne bien à l’écran n’a pas la même force évocatrice couché sur une page. Ce qui m’a surtout gêné, ce sont les multiples répétitions, assénées ad nauseam pour devenir des gimmicks, renvoyés à la ligne et italicisés pour faire semblant de gagner en profondeur. C’est parfois bien trouvé, mais c’est souvent agaçant (je pense entre autre aux références à « lay track » (poser les rails), « power pose » ou « standing in the sun »). Pour bien comprendre qu’on tient entre les mains le bon livre, on a aussi droit à des YES à quasi chaque page.


On sent en permanence la volonté de parler de façon simili-naturelle, de trouver la phrase qui reste en tête, qui pue le slogan à trois kilomètres. Très simplement : ce sont des phrases de personnages fictifs, des citations qui illustrent la promo d’un nouvel épisode ou qui clôturent une bande annonce. Tout dégouline de fictif. Alors certes, Shonda avait prévenu : elle a une sacré imagination, elle risque de broder autour des situations, de « jeter des paillettes » sur des évènements somme toute banals. A la limite je lui accorde le bénéfice du doute et range ça sur le compte d’une sorte de déformation professionnelle.


Ce qui est plus compliqué à intégrer, c’est le discours sur l’importance de s’aimer, de se trouver fantastique, d’exsuder une hyper-confiance - mais pour le coup c’est très culturel, et très symptomatique des Etats-Unis des self-made men & women (j’écris ça sans jugement anti-Américain, bien au contraire). Shonda passe tellement de temps à expliciter sa supériorité et ses talents, et de façon si assertive, qu’on a souvent l’impression qu’elle essaie de se convaincre elle-même plutôt que son lecteur. Je pose d’ailleurs la question de la nécessité de faire un livre sur le sujet : projet nombriliste ou véritable volonté de partager ? On est tenté de pencher vers le premier cas de figure.
 Je ne suis pas un spécialiste du développement personnel, mais j’aimerais qu’on m’explique en quoi lire que tout ce que réalise Shonda Rhimes se transforme en or (à force de travail et de talent, je lui accorde), que sa famille a « gagné à la loterie génétique » et semble figée dans une éternelle jeunesse ou qu’elle est la patronne de X employés aide à construire une quelconque estime de soi pour le lecteur. Trop de « regardez comme ma vie est top », même trempé dans quelques fausses gouttes d’humilité, c’est difficile à apprécier. Ca dépeint surtout, je trouve, un cruel manque de réalisme et de recul sur soi.


Là où j’ai trouvé le livre intéressant, en revanche, c’est sur ses réflexions autour des questions de race (intelligemment esquivées), et surtout sur la position de la femme dans le monde d’Hollywood et plus largement dans les sphères de pouvoir. Shonda Rhimes apporte aussi un regard différent sur le rôle de mère qui bosse, de femme qui ne veut pas se marier - et c’est pertinent. Si j’ai souvent eu l’impression de lire une égocentrique avec un complexe d’infériorité qu’elle compense par un complexe de supériorité, je dois avouer qu’elle m’a cependant fait réfléchir sur moi-même. Qu’est-ce que cela veut dire sur moi, d’être agacé par le fait que quelqu’un nomme ses qualités sans sourciller, ou insiste sur son talent qui a pourtant été confirmé ?


Il y a du grain à moudre dans The Year of Yes, pour résumer, et quelques pistes de développement à suivre, notamment sur l’amour de soi. J’aurais cependant souhaité que Shonda me parle davantage à moi au lieu de parler à son miroir.



A lire sur la plage pour les détails sur la création d’une série TV à succès et le positivisme affichée d’une ancienne grande timide.


Wittle
5
Écrit par

Créée

le 17 mars 2016

Critique lue 281 fois

Wittle

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