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Le texte :
Alan Forrester est psychiatre dans une petite ville où il est seul à exercer cette profession. A ce titre, il soigne aussi bien des patients « civils » que les criminels de la prison du coin. Alan Forrester est un excellent psychiatre d’ailleurs… qui se retrouve à devoir traiter deux patients ayant vécu des traumatismes qui n’ont rien à voir entre eux en dehors du fait d’avoir bénéficier d’un traitement médical dont le but est d’effacer le souvenir de ce traumatisme (la mort de ses compagnons de guerre lors d’une mission en Irak pour Sean et le viol subi au cours d’une soirée étudiante pour Jenny).
Afin d’aider ces deux patients, Alan Forrester va tenter de leur rendre ce souvenir en prenant toutes les précautions d’usage pour faire en sorte que la thérapie en cours ne vienne pas altérer ces souvenirs en reconstruction. Il faut restaurer, il ne faut surtout pas modifier, ces souvenirs !
Jenny va réussir à faire refaire surface à certains pans de son viol pendant que l’enquête de la police, harcelée quotidiennement par le père de Jenny, obnubilé par l’arrestation du violeur et la vengeance alors que la mère de Jenny veut s’ancrer dans l’oubli et le fait de passer à autre chose, avance petitement et révélant des zones d’ombre dans la soirée du propre fils d’Alan Forrester qui devient juge et partie, tiraillé entre son sens du devoir de praticien et celui de père.
Au-delà de l’histoire, parfaitement construite et parfaitement et logiquement menée au terme choisi par l’auteur, on peut tirer un grand coup de chapeau à Wendy Walker pour son travail d’écriture sur les personnages. Chacun est exactement décortiqué, analysé, expliqué, détaillé et trouve sa parfaite place dans l’histoire. Que ce soit la mère, au passé incestueux avec le deuxième mari de sa mère, que ce soit le père, engoncé dans une éducation basée sur la culpabilisation et le rabaissement de soi, Sean dont l’angoisse innée qui est en lui n’a jamais été ni diagnostiquée ni traitée, les différents suspects (du jeune ado perdu dans son monde virtuel et violent à l’entrepreneur local qui vise un mandant électif) en passant par la peur du qu’en-dira-t-on inhérent aux petites villes provinciales américaines où tout le monde se connait et où tous les secrets ne sont que des secrets de polichinelle, le plus important n’étant pas, et de loin, que cela ne se sache pas mais surtout qu’on n’en parle pas, Wendy Walker donne là une leçon de construction d’intrigue et de gestion de la psychologie des personnages qui force le respect.
Rien à redire non plus sur le style : malgré une présentation de l’histoire comme si nous assistions à une conférence portant sur la description par un spécialiste d’un cas clinique particulièrement représentatif, Wendy Walker n’est jamais ennuyante et parviens à y glisser petit à petit les éléments propres à transformer ce descriptif clinique en confession d’Alan Forrester qui a bénéficié, à son corps défendant, d’une position centrale d’où il a pu appréhender toutes les facettes de l’histoire qu’il nous livre.
Wendy Walker joue, dans une balance parfaite, des traumatismes de l’enfance, de la violence, de la solitude, des souvenirs, de la mémoire…
Gros coup de cœur pour ce livre !