Cet essai relève du pur registre « poil à gratter »! Après une vie de Commercial dans l’industrie automobile,Jean Arcelin devient, en hommage à sa grand-mère, directeur d’une EHPAD. Après trois ans, il jette le gant, en « beurre-nout » dû à l’implacable Loi du Marché qui sert les actionnaires bien avant la Société. Ce pamphlet apparemment tendre et habité d’un regard empli de sollicitude et d’humour est, en fait, virulent. Il dérange et tenaille l’Homme pris au coeur de ses contradictions. Comment honorer les principes capitalistes qui nous poussent à courir après le gain facile et respecter nos aînés? Acceptons-nous ce système qui leur nie toute personnalité, tout droit à la décision et les cantonne dans une exploitation sans éthique, ni limite? Nos vieux, pouvons-nous continuer à les caser, les cacher, les nier et les exploiter sans vergogne?
MA CRITIQUE:
Funambule marchant sur le fil de nos incertitudes, Jean ARCELIN nous invite à prendre position face à un modèle de Société qui verra de plus en plus ses vieux vivre longtemps, dans une dépendance croissante. Sommes-nous droits dans nos bottes lorsque nous leur reconnaissons de moins en moins le droit d’exister pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils ont déjà donné aux générations suivantes? L’Homme peut-il se regarder en face lorsqu’il ‘marchandise’ ses vieux? Que dit d’elle-même une Société qui exploite la vieillesse, lui fait payer plus que son dû, lui refuse toute dignité dans le logement, les soins, l’alimentation et toute vie relationnelle?
Avec un regard tendre sur une face du miroir, glaçant sur l’autre, Jean Arcelin ose accuser un système construit sur l’appât du gain facile et les dictats des actionnaires qui serrent dans leurs griffes les responsables de la gestion des EHPAD. Il l’affirme haut et clair, en France comme ailleurs, s’il n’existe pas un sursaut citoyen réclamant du Législatif un sérieux contrôle des objectifs de rentabilité fixés par les patrons du capital et des moyens de gestion octroyés aux directions et aux équipes soignantes des EHPAD, la prise en charge de nos aînés sera un parfait modèle de non-assistance à personnes en danger, doublé d’une prise d’intérêt personnel sur bien commun appartenant à autrui!
Le document que signe Arcelin est un essai… à ce titre, il ouvre au questionnement bien plus qu’il n’apporte des solutions toutes faites. Même dans ses propositions de fin de livre (heureuse initiative!), les propos restent somme toute assez théoriques et ne règlent pas tout, loin s’en faut.
Mais Jean Arcelin a le mérite de crier « Aux loups! » Il tire une sonnette d’alarme qu’il est grand temps d’actionner et il peut le faire même si son expérience à la direction d’une EHPAD n’est guère plus dense qu’à peine trois ans et quelque passés dans ce milieu. Il est néanmoins crédible parce qu’il ne jette pas l’opprobre sur tous les acteurs du système. Il nuance. S’il dénonce la cupidité humaine des actionnaires, il reconnaît les trésors de patience et de passion, d’attention et de soin, d’inventivité et de combativité offertes aux résidents par des hommes et femmes de terrain qui tentent l’impossible pour améliorer l’alimentation, l’encadrement, le cadre et les soins que peuvent offrir ces lieux de vie à nos aînés, nos anciens, nos vieux.
Ces derniers ont droit au respect, le nôtre comme celui de la Société toute entière. Jean Arcelin ne cesse de le crier sur tous les tons tout au long de cet essai qui mérite d’être lu, relu et réfléchi!
Merci à NetGalley France et aux Editions XO pour leur confiance et le cadeau qu’ils m’ont fait en permettant l’accès à ce livre.
Un peu plus? https://frconstant.com/2019/04/10/tu-verras-maman-tu-seras-bien/