Avec la sortie de son dernier livre (édition JCLattès), Fellag marque à sa manière novembre 1954, le début de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Et il nous fait témoin d'une de ses conversations sur le zinc où, mine de rien, il parcourt les années de l’indépendance de 1962 à nos jours. C'est un dialogue, dans un bistrot à Ménilmontant, où le Un questionne le Deux.

Le premier est jeune et a l’œil vif. Il se demande si avec son bagage, acquis dans les contrées de l'ex-colonisateur, ça vaut la peine ou plutôt est-ce que ça rapporte de partir au bled, s’y installer et y faire fructifier ses compétences et ses ambitions.

Le second, expérimenté, peut-être un de ces anciens combattants, trop exigent et intègre, a du quitter le bled, traverser la Méditerranée pour se réfugier dans le vieux pays colon. Il va lui répondre en lui racontant comme une métaphore, l’histoire d’un certain l’Espoir, qui en a beaucoup voulu, et s'est beaucoup engagé. Il a beaucoup contribué, s'est beaucoup enthousiasmé, et finalement beaucoup perdu de son énergie et a du partir, on ne sait pas où. Peut-être ici, peut-être plus loin, comme si en fin de compte il avait abandonné.

C’est un exercice de transmission, qu’avec son humour, son impertinence, sa pertinence, Fellag nous invite à l’accompagner, comme ça simplement, en souriant souvent, mais non moins grave.

Il nous apprend, et nous apprenons là aussi que dans cette indépendance, dans cette révolution il y a beaucoup de passages loupés. Dès le début, entre les résistants de dedans et ceux de dehors il y avait plus que des divergences. Quel gâchis parfois. Que d’espoirs déçus. Ah, c’est vrai, c’est l’histoire d’un certain l’Espoir! C'est ceux du dehors qui se sont imposés et progressivement ont façonné, modelé, légitimé le pouvoir aux contours de leurs intérêts, des ambitions de leur clan.

L'Espoir selon Fellag: le chemin de nos rêves!

Il y a eu des moments de découragement, mais aussi des sursauts, "une fenêtre par-ci, un vasistas par-là, un soupirail plus loin...", de courte durée et d'illusion, "une respiration pour les classes moyennes, des miettes pour le petit peuple".

Et l’Espoir, que peut-il attendre ? Fini pour le collectif, mais pour lui même, qu'en est-il ? Et pour le Un, le projet d'aller au bled, oui ou non ?

A cela Fellag ne répond pas mais partage avec nous le "précepte" du Deux: «Comme l'acteur cherche le clown qui est en lui, cherchez l’Espoir qui est en vous. Quand vous l'aurez trouvé, suivez-le, il vous guidera. Lui seul saura vous indiquer le chemin de vos rêves». Et ceci est bien vrai, pas seulement pour l'Algérie, mais pour beaucoup de nos l’Espoir, sous d'autres cieux, au-delà d'autres terres, mais dans cette universalité des résistances à l'usurpation, à la toute-puissance, à la séduction des démagogues!
http://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/281114/quand-fellag-nous-raconte-lespoir
ArthurPorto
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le 29 nov. 2014

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