La France a eu Antoine Leiris et son récit sur la perte de sa femme après les attentats du Bataclan et des terrasses, la Belgique aura eu également droit à son histoire, celle de Mohamed El Bachiri.
Lors des attentats de Bruxelles du 22 mars, je me souviens encore précisément de mes sentiments. Je suis arrivé au travail assez tôt, peu avant 8h du matin. Le temps de dire bonjour à certains collègues et d'allumer le PC, le temps a un peu passé. Je commence souvent la journée par lire la presse sur Internet et là l'annonce est déjà faite que l'aéroport a été touché par une explosion. Directement, je me suis dit que c'était notre tour. Tout s'emballe, d'autres collègues, arrivent et scrutent à leur tour les infos. Puis l'annonce de l'explosion dans le métro. Ca prend une ampleur à laquelle je ne comprendrai que plus tard que je ne réalisais pas vraiment ce qui pouvait se passer. Je reçois des messages de la famille, me demandant si tout allait bien. Je rassure tout le monde. On nous ordonne de ne pas quitter le bâtiment, on est cloîtré. On ne pourra quitter celui-ci que tard dans l'après-midi.
Puis viennent les noms et les visages de ces personnes innocentes qui ont été touchées. Et parmi elles, il y a Loubna Lafquiri, une jeune mère de famille, issue de l'immigration, comme son mari Mohamed El Bachiri. Ce dernier mettra un peu de temps avant de sortir le livre, mais il fait bien.
Le livre sort d'abord dans une version néerlandophone avant de voir une version francophone sortir, dans laquelle on retrouvera des textes qui ne se retrouvent pas dans la langue de Brueghel. L'homme a mûri son projet, rajoute certainement des textes avec plus de recul, donne une dimension plus intéressante encore à son livre.
Bien sûr, il y a les passages émouvants où Mohamed raconte sa Loubna, son amour de toujours, celui d'une vie. Il y décrit cette femme dans des textes touchants, notamment à travers des poèmes de sa propre composition.
Mais il raconte aussi l'avant, sa jeunesse et surtout sa place dans la société belge en tant que fils d'immigré et musulman. Il y raconte son ouverture d'esprit, la signification du mot jihad, l'amour qu'il porte à la fois à sa culture d'origine mais aussi à la Belgique.
El Bachiri comprend, avec humilité et certainement pas avec un opportunisme mal placé, que les attentats lui ont permis d'être dans la lumière et de pouvoir porter un message, à la fois à la communauté musulmane de Belgique, mais également aux Belges de longue souche, catholiques. Le livre est en fait un véritable appel à la paix et à une forme de communion, à baisser les barrières, à ne plus avoir peur de l'autre.
Ne pas faire en sorte que la perte de Loubna et d'autres innocents permette à tous ceux qui prêchent la haine de voir des clivages encore plus profonds gagner les populations, de voir la différence et la peur de l'autre l'emporter sur la fraternité et l'ouverture d'esprit.
Si l'oeuvre de El Bachiri est parfois naïve (dans un bon sens du terme néanmoins), elle n'en est pas moins importante à notre époque, touchante et d'une certaine manière indispensable.