L'écriture de Brigitte Giraud est singulière et c'est d'abord son style qui a retenu mon attention... Des phrases courtes, un présent de narration dans lequel se mêle habilement des incursions dans le passé des personnages et un futur prédictif qui permet d'entrevoir certaines évolutions de l'histoire ou d'introduire l'Histoire.
Cette guerre d'Algérie qui n'est encore, en 1960, pour ceux qui la vivent qu'une opération de maintien de l'ordre, opaque, secrète, atténuée. Antoine, le personnage principal, est un jeune français, "moyen", c'est à dire ni plus ni moins au fait de la politique que d'autres. Il est marié, bientôt père, ne veut pas porter les armes et se retrouve à l'hôpital.
Son histoire intime va s'entremêler avec celle de la France et de l'Algérie, et la force de ce roman est de ne pas prendre partie de manière frontale, mais par petites touches, sur le rôle des harkis à l'hôpital, des pieds noirs dans la ville. Le roman dénote aussi d'un très grand amour pour le pays, ses couleurs, ses odeurs, sa lumière, de ses habitants, mêlés.
Personnellement, j'ai également été frappée par la sensualité dégagée par ce roman, en particulier dans la relation entre Antoine et Oscar, amputé muet et secret, dont les corps se rapprochent par nécessité, certes, mais peut-être pas seulement... alors que le corps de Lila, la femme d'Antoine est à peine évoqué...
Un roman subtil et prenant.