En matière scientifique, j'ai toujours été fasciné par l'angoisse du chercheur. Au prix de quels efforts, va-t-il enfin se frayer un chemin vers la vérité ? Au bout de quels tâtonnements successifs, de quel long voyage semé d'embûches ? Avec un enthousiasme communicatif, Claude Allègre entraîne ainsi le lecteur là où se jouent notamment les enjeux majeurs de la physique et de la chimie. Dans "Un peu de science pour tout le monde" il sait nous transporter au cœur des idées qui se combattent, des thèses qui s'affrontent, à l'intérieur de ce merveilleux bouillonnement intellectuel propice à tous les débats, à toutes les controverses. L'histoire de la science n'a rien en effet d'un doux fleuve tranquille et ceux qui ont pour ambition de la servir peuvent, le cas échéant, se montrer d'autant plus féroces que leurs détracteurs sont légion. "La lumière est une particule. Non, faux, c'est une onde". La guerre longtemps fit rage avant que quelqu'un s'avisât qu'elle possédait en fait ces deux propriétés. Quelquefois un trait de génie passe inaperçu. Le pauvre Mendel et ses petits pois essuya bien des déconvenues. L'énoncé de certaines lois relatives à l'hérédité, fut compris assez tardivement par ses pairs. Einstein, le pape de la relativité, lutta pendant des décennies contre les théoriciens de la mécanique quantique dont les raisonnements l'exaspéraient au plus haut point. "Dieu joue-t-il aux dés ?" Peut-être, peut-être Albert. Le découvreur de la fameuse dérive des continents, le génial Wegener, eut le grand malheur quant à lui d'avoir raison avant tout le monde. Si plus personne aujourd'hui ne conteste le bien-fondé de ses vues, combien d'années furent nécessaires pour en convaincre la communauté scientifique ? L'ouvrage fort documenté de Claude Allègre se lit en somme comme un roman aux multiples facettes. De temps à autre, les lois les plus communément admises subissent des revers sérieux. Il suffit que muni d'outils conceptuels inédits, quelque savant iconoclaste hasarde une idée révolutionnaire et le pan entier d'une discipline connaîtra des bouleversements notables. Il arrive aussi qu'une avancée scientifique non négligeable, la supraconductivité par exemple, peine à trouver un début d'application. Découvrir ne suffit pas. Encore faut-il qu'une découverte finisse par porter ses fruits. L'angoisse du chercheur n'est donc pas un vain mot. "Mes investigations me mèneront-elles à une impasse ? Que puis-je espérer de cette nouvelle approche ? N'ai-je rien oublié pour la manifestation de la vérité ?" L'obstination, ô miracle ! déjoue parfois tous les pièges, vient parfois à bout de toutes les résistances. Le hasard même s'invite exceptionnellement au menu. Bienheureux Fleming ! Merci, Claude Allègre. La science est belle !