Toutes les aires d'autoroute ne se ressemblent pas, tous les premiers romans non plus.
Avec Villa Royale, Emmanuelle Fournier-Lorentz nous propose le récit d'une famille endeuillée et en fuite, enchainant les déménagements de Paris à La Réunion, de Nantes à l'Aveyron. Et bien que l'histoire nous soit narrée du point de vue d'une enfant de onze ans, le style est toujours absolument maitrisé. Poésie, sarcasme... on ne tombe jamais dans la lourdeur ni dans le cliché.
"Et c'est vrai, bien sûr, c'est vrai que la vie d'avant ne reviendrait jamais, ni notre maison bordée par le boulevard
périphérique, ni d'ailleurs mon père, mais au beau milieu des milles
artifices de l'aéroport, j'étais, moi, heureuse de sentir une odeur
enivrante, perverse, bien plus violente que ma tristesse : l'odeur de
la fuite."
ou encore
"Il y a des gens qui n'aiment pas les chiens, d'autres qui sont
davantage chats que chiens. Ce n'était pas notre cas. Il faut bien
dire pourtant qu'il était rare de trouver des êtres plus affectivement
dépendants que nous ; qu'il en existe relevait du miracle, et nous
aimions les miracles. Et surtout, comme l'avait expliqué Victor,
c'était très facile de se faire aimer d'un chien (...) une attention
même peu soutenue, de quoi manger et vous avez un chien fidèle pour la
vie, qui tuerait pour vous - alors si en plus vous l'aimez, si vous
lui donnez autant qu'il vous donne, c'est une relation sans aucune
ombre, une de celles qui peuvent vous faire pleurer d'une joie très
simple. Aucun abandon, aucun coup tordu derrière votre dos. La mort
seulement, qui comme à son habitude massacre tout."
Et j'en ai souligné des tas d'autres de passages comme ça, mais les recopier ici risquerait de tout divulgâcher. Avec une écriture pareille, j'ai même réussi à oublier les passages qui me paraissent un peu plus faibles. J'ai même oublié qu'il s'agissait là d'un tout premier roman.
J'espère sincèrement qu'il y en aura d'autres. Longue vie à la carrière d'Emmanuelle Fournier-Lorentz!