Critique en cours d'écriture.


J'ai été très surprise par la profondeur philosophique de ce petit ouvrage, si humblement présenté.


À ma grande surprise, au final, je dois admettre que sœur Emmanuel est un(e) philosophe, même si elle s'en défend souvent, ou elle serait considérée assurément comme telle si elle était universitaire, ou si elle n'était pas femme, ou pire encore, petit bout de veille femme de 95 ans! Comment est-il seulement possible d'avoir une pensée plus claire que la plupart d'entre nous en ayant cet âge?

L'habit de fait par le moine décidément.

Il y a beaucoup de gens qui sont emplis de préjugés et qui ne verront pas, ne pourront pas voir, derrière une simplicité apparente, la pensée, le raisonnement, et les explications admirablement construits.

(Qu'on soit d'accord avec eux ou pas, le principe de la philosophie d'amener le débat, pas d’acquiescer à tout, comme tous le croient maintenant.)


Le thème philosophique est le sens. Pourquoi la vie pourrait-elle avoir un sens?


La réponse qu'elle apporte, est ancienne et neuve.

Elle est ancienne, car c'est la réponse de la philosophie catholique -Là dessus, l'air du temps m'oblige de préciser qu', il y a une philosophie catholique, directement héritière de la philosophie grecque, mais comme tout le monde ou presque se désintéresse de la philosophie, pour lire des choses du niveau de BHL ou d'Attali, ça ne se sait plus vraiment.

Elle est neuve, car Sœur Emmanuel, n'est pas une femme de dogme, elle n'est pas du genre à adhérer à des explications, si elle ne les a pas soupesées par la raison. Et ça, ce n'est pas vraiment l'image que la pensée populaire, composée de clichés véhiculés de personnes en personnes, et jamais de stop, je m'arrête pour douter et soupeser ce que j'entend, pré-mâche dans la tête des gens.


Elle nous dit que le grand mal dont souffre l'humanité maintenant, est la perte du sens. Pauvreté, misère, maladie, sont des scandales, mais la perte de sens est le coup de grâce quand il est accompagné de l'un de ces maux, et il est aussi un poison mortel quand il ne l'est pas.


C'est un mal, car les gens sont déboussolés, et beaucoup n'ont plus le goût de vivre, car l'épicurisme, présenté comme panacée magique à ce mal, n'est pas une réponse qui peut satisfaire toutes les natures. Il ne l'a jamais pu, il ne le pourra jamais, sinon l'homme se serait arrêté de chercher depuis longtemps. C'est parce qu'il est de nature insatisfaite, ou du moins que quelques natures d'hommes sont insatisfaites, qu'elles cherchent.


Mais c'est aussi un grand bien, car l'homme n'a plus de solutions toutes faites comme autrefois, elle ne dit pas c'était mieux avant, au contraire,elle dit juste que nous sommes tombés d'un extrême à l'autre, l'homme étant chercheur de sens par nature, les choses étaient données par tradition ronronnante autrefois, et maintenant, le sens est à reconquérir. Chose qu'on ne devinerait jamais sans la lire, Sœur Emmanuel est une guerrière énergique, une combattante du sens.



Le propre de l'homme, dans sa grandeur et sa misère, et de chercher, de ne pas se satisfaire de
son état ou de convictions prêtes à porter.



Chaque époque a ses dogmes philosophiques dominants. L'opinion que la population a des choses, sans même y avoir réfléchi. C'est le bain d'opinion dominant.


Contrairement à ce qu'imaginent beaucoup de gens à la pensée quelque peu simplificatrice, on a forcément des dogmes, on ne peut pas réinventer à partir de sa propre pensée ou de sa propre expérience, une explication pour tout ce qui nous entoure, ou douter de tout ce qu'on n'a pas expérimenté, seuls les vrais fous le peuvent. Beaucoup confondent dogmes religieux acceptés sans mettre en jeu sa raison, et dogmes qui signifie une hypothèse qu'on tient pour vraie dans sa vie quotidienne, sans l'avoir complètement expérimentée d'une façon personnelle.


À l'heure actuelle, il semblerait que nous soyons en plein dans le courant bouddhisto-épicuriste. Chaque époque propose une explication collective, son dogme, ) la plus brûlante des questions et la mère de toutes les questions en philosophie: pourquoi l'existence humaine. Avec son corollaire sur sa fin.


Quel est le sens? Quel sens pour cet enchaînement chronologique d'événements et de sensations qu'on appelle ma vie?

La réponse collective actuelle, est qu'il n'y en pas.

Que chaque événement, chaque expérience, est à vivre en y recherchant la satisfaction immédiate (épicurisme), le plaisir, pour échapper au tourbillon du vide, ou à relativiser comme une suite absurde et illusoire d'incidents, certains menant d'une façon illusoire à la joie et d'autres d'une façon toute aussi fausse, à la peine.


Même si cette façon de vivre une vie, qui sera pour tous riche en joie et en drames affreux, est une grande et utile béquille pour la raison et l'équilibre psychique, la question du sens, est évacuée, rejetée dans les limbes, comme si chercher ce sens était une malédiction de l'homme, un genre de péché originel, plutôt qu'une bénédiction.


Qu'on tue la quête de sens, qu'on élimine le jugement de la conscience porté sur les événements vécus, qu'on supprime l'hébétude et l'indignation face au scandale de l'injustice, et on supprime aussi le besoin de lutter pour un monde plus juste.

Le chrétien doit être une personne en permanence scandalisée, car l'injustice de ce monde, pour lui, dans son paradigme, n'est pas un fait voulu par Dieu, mais une conséquence du libre-arbitre humain, qui est des dogmes pivot de la doctrine catholique (à peu près absent des autres monothéistes, d'où son originalité).


Peut-on vivre dans un monde où tout se vaut en permanence, ou la relativité est le nouveau dogme?


Ses analyses sociologiques sont intéressantes à lire, en décrivant notre société comme obnubilée par l'instant présent, on saute sans cesse d'un événement à un autre, d'une réaction médiatique épidermique à une autre, et, à cause de la relativisation de toute chose en permanence, nous n'avons plus un seul fil conducteur. On est à la fois, très paradoxalement, plongés dans le règne de la Raison, et dans le règne de l'affect épidermique. Nous sommes schizophrènes.


Elle parle des questionnements humains, de leur pourquoi, de leur utilité, de leurs bénéfices, mais aussi de ce qui l'a éveillée au questionnement du sens. Deux événements ont été fondateurs pour elle, la perte de son père dans des conditions dramatiques, à un jeune âge, et sa rencontre avec le philosophe Pascal.



Cette belle écume, je la vis engloutir le visage chéri de mon papa.



Ce drame, l'a plongée en plein cœur dans la question du sens de la vie, à son corps défendant, pour y survivre, être en résilience, elle a dû trouver une autre manière d'être au monde que le simple fait d'être là et de respirer. Ça m'a beaucoup fait penser à des interviews biographiques d'Arielle Dombasles. Dombasles avait perdu sa mère à un très jeune âge aussi. Face à un drame aussi fort, qui ébranle la totalité d'une personnalité en construction, il faut une réponse forte, si on ne veut pas que la personnalité s'effondre. Dombasles avait raconté que c'est à cette époque, qu'elle se mit à faire de plus en plus attention à sa personne. Dans l'interview, on voyait bien qu'elle était en quête de l'amour, à travers les yeux de l'autre, pour remplacer ce gros manque. Elle n'en avait pas conscience en parlant de son enfance, mais on voyait assez bien la construction de sa personnalité narcissique pour pallier ce manque. C'est souvent comme ceci que se construisent les personnalités narcissiques.


2 enfants privées à un jeune âge d'un amour qui construit: 2 réponses bien différentes, et 2 chemins pour panser la blessure et combler le gouffre de l'amour perdu. L'une tournée vers soi, repliée, et l'autre tournée vers les autres et s'exaltant dans l'oubli de soi. Cela m'a frappée. L'Amour est bien la clef de l'énigme du sens, pour nous tous.


Mais dans l'hypothèse où la vie aurait un sens, qu'est-ce qui lui confère ce sens?


Pour Sœur Emmanuel, lectrice de Pascal, la vie a 3 dimensions aussi nécessaires et indissociables les unes que les autres, l'ordre matériel, le seul digne d'intérêt pour les épicuriens, assimilable à l'amour de soi, l'ordre intellectuel, celui de la Raison raisonnante, et le troisième, qui est celui qui donne le sens de la vie, l'ordre de l'Amour altruiste. Si on veut trouver le sens et vivre en bon chrétien, bien que toutes les dimensions soient nécessaires, et qu'aucune ne puisse être occultée, il faut que la troisième gouverne les 2 autres. La Raison seule, et toute la philosophie est incapable d'apporter une réponse au problème du sens de la vie, les philosophes se suicident autant que les autres.

Perce-Neige
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le 19 mars 2018

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