Ce livre est un choc ! ... un choc !


Louis-Ferdinand Céline (1894-1961) est l’un des auteurs les plus singuliers de la Littérature Française. Son langage teinté d'argots et du registre familier si frappant a constitué sa marque de fabrique. Dans le même temps, son œuvre littéraire qui a commencé en 1932 jusqu'à sa mort en 1961 tourne autour de sa propre vie et de ses expériences. Ainsi, la plupart de ses bouquins contiennent de très nombreux éléments autobiographique, jusqu'à être le personnage principal de sa trilogie allemande (D'un château l'autre, Nord et Rigodon). C'est d'ailleurs le premier roman de cette trilogie qui m'a fait découvrir Céline avec beaucoup de plaisir.
J'aurai pu aussi évoquer le côté iconoclaste de Céline qui préférait se mettre de côté par rapport au paysage littéraire traditionnel et de ses virulents écrits antisémites qui ont fait le mythe controversé qu'est Céline.
C'est trivial mais voilà Louis-Ferdinand Céline.


En 1932, son premier roman est publié et tout de suite galvanise la plupart de ses lecteurs pour que celui-ci obtienne le prestigieux Prix Goncourt. Néanmoins, celui-ci recevra le Prix Renaudot.
Il faut quand même préciser que le livre est dès sa sortie considéré comme un chef d'œuvre. Et cela ne m'étonne pas et je pense que cela ne surprend ni les membres de Sens Critique ni les amoureux de la Littérature.


Pour en venir au livre, c'est un voyage incroyable ! Non bouleversant ! ou plutôt sublime ! Un livre puissant et engagé qui dézingue tous les maux de son époque d'entre-deux-guerres. Le personnage principal est un témoin de son siècle silencieux et observateur. Il a son mot à dire contre la guerre, contre la colonisation, et enfin contre le fordisme et le capitalisme. On assiste au dé-pucelage initiatique de notre protagoniste, un jeune parisien en quête de plus en plus d'expériences.



Nos Allemands accroupis au fin bout de la route venaient justement de changer d’instrument. C’est à la mitrailleuse qu’ils poursuivaient à présent leurs sottises ; ils en craquaient comme de gros paquets d’allumettes et tout autour de nous venaient voler des essaims de balles rageuses, pointilleuses comme des guêpes.
L’homme arriva tout de même à sortir de sa bouche quelque chose d’articulé.
« Le maréchal des logis Barousse vient d’être tué, mon colonel, qu’il dit tout d’un trait.
— Et alors?
— Il a été tué en allant chercher le fourgon à pain sur la route des Étrapes, mon colonel !
— Et alors ?
— Il a été éclaté par un obus ! — Et alors, nom de Dieu !
— Et voilà ! Mon colonel…
— C’est tout ?
— Oui, c’est tout, mon colonel.
— Et le pain ? » demanda le colonel.
Ce fut la fin de ce dialogue parce que je me souviens bien qu’il a eu le temps de dire tout juste : « Et le pain ? » Et puis ce fut tout. Après ça, rien que du feu et puis du bruit avec. Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu’il en existe. On en a eu tellement plein les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, tout de suite, du bruit, que je croyais bien que c’était fini ; que j’étais devenu du feu et du bruit moi-même.



Au cours de la lecture du pavé, on voyage en suivant les escapades exotiques de notre héros. La France rurale, la France urbaine, l'Afrique, les États-Unis. Cette histoire n'a en rien été vécue par l'auteur, qui s'était rendu à certaines destinations décrites. Car même s'il s'exprime à la première personne, le "je" se réfère à un certain Ferdinand Bardamu. Et là le roman fait fort car il nous présente un personnage qui correspond à un anti-héros d'anthologie. Car même si on peut le défendre, ce cher Ferdinand se méfie des hommes, des femmes et de leurs tempéraments même s'ils sont sympathiques à son égard. Complètement déroutant ! Car ce Ferdinand est un anti-tout et a tout ce que peut avoir d'un nihiliste, ne désirant que sauver sa peau. Seule une espèce d'alter ego du nom de Robinson que l'on croise et re-croise dans cette odyssée reçoit sa sympathie et son amitié.


Dans ce monologue intérieur, l'Univers y apparaît magnifiquement sombre et tristement réaliste dans lequel l'homme est un loup pour l'homme. Céline n'hésite pas à noircir les personnages passagers sur lesquels le roman repose. On attend alors la confrontation de Ferdinand avec les différents personnages qui peuvent être parfois laids ou parfois beaux comme dans l'extrait suivant.



Evidemment Alcide évoluait dans le sublime à son aise et pour ainsi dire familièrement, il tutoyait les anges, ce garçon, et il n'avait l'air de rien. Il avait offert sans presque s'en douter à une petite fille vaguement parente des années de torture, l’annihilement de sa pauvre vie dans cette monotonie torride, sans conditions, sans marchandage, sans intérêt que celui de son bon coeur. Il offrait à cette petite fille lointaine assez de tendresse pour refaire un monde entier et cela ne ce voyait pas.
Il s'endormit d'un coup, à la lueur de la bougie. Je finis par me relever pour bien regarder ses traits à la lumière. Il dormait comme tout le monde. Il avait l'air bien ordinaire. Ça serait pourtant pas si bête s'il y avait quelque chose pour distinguer les bons des méchants.



Ainsi le livre correspond à une aventure tranchante complètement dingue et irrésistible vécue par un être singulier de la Littérature, sacralisée par le langage célinien brut et comique. La littérature n'aura jamais été aussi parlante au lecteur. On est étonné de voir à quel point celle-ci nous transporte, comme dans un vrai Voyage.
Un de mes livres favoris !



Figurez-vous qu’elle était debout leur ville, absolument droite. New York c'est une ville debout. On en avait déjà vu nous des villes bien sûr, et des belles encore, et des ports et des fameux mêmes. Mais chez nous, n'est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s’allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là l’Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur.


Créée

le 31 janv. 2016

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Ikarovic

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