Warhammer, Le Jeu de Rôle Fantastique, dans sa première édition (1986/1988 en France), pour moi c’est avant tout :
Un livre de base « tout en un » (pas trois)
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La superbe campagne de L’Ennemi Intérieur (5 volumes pour une campagne qui a fait vibrer des milliers de rôlistes)
Pour être honnête d’entrée de jeu, il vous faudra quand même (être) un Maître de Jeu astucieux pour combler certaines lacunes d’écriture de cette campagne (oui, oui) mais en terme d’ambiance, on sera surement d’accord : elle fracasse tout !
Pour le néophyte aussi ça fracasse : le système de combat complexe de Warhammer fera aussi mal qu’un coup de marteau sur la tête (on sent bien là l’héritage du wargame comme dans le D&D des origines d’ailleurs). Bon, ça reste vrai si vous voulez jouer avec toutes les règles sinon ce n’est pas si compliqué et je le trouve infiniment plus digeste que celui de l’AD&D de l’époque.
Mais ce système est surtout conçu pour permettre de transcrire la dangerosité, la violence et un certain réalisme dans les combats. (Oubliez donc le style Aragorn !)
Car dans Warhammer (contrairement à D&D) on n’y joue pas les héros mais plutôt les salauds ! Des anti-héros pour le moins et des gens du commun la plupart du temps.
Gens du peuple ou nantis de l’aristocratie ? Même combat mais pas toujours même traitement (ou l’inverse !).
Pourtant, malgré les apparences ou les aprioris, Warhammer et sa fameuse campagne ne reposent pas sur le combat !
C’est un point fondamental qu’il faut bien retenir, quand bien même les combats sont loin d’y être absents. Le système de combat punitif n’est peut-être pas étranger à cela mais il faut surtout y voir une volonté des concepteurs pour l’époque de se démarquer du type « portes-monstres-trésors » qui avait cours dans D&D notamment (et sa high fantasy clinquante) et de se rapprocher d’autres jeux de rôles comme L'Appel de Cthulhu (dont l’héritage se ressent aussi dans l’essence de l’univers qui nous est proposé).
L’Ennemi Intérieur est donc une grande épopée fondamentalement basée sur le voyage, l’enquête et l’investigation face à un ennemi dissimulé, à la fois terrifiant et mortel.
Mais Warhammer ça reste bien de la fantasy hardcore !
On est donc assez loin des Royaumes Oubliés (par exemple) dans l’essence de l’univers proposé et bien que celui-ci reprenne certains éléments médiévaux et fantastiques de la fantasy classique « à la Tolkien », on est là face à un cousin sale, violent, à la fois criant de réalisme mais très étrange, où l’élément fantastique fleurte avec l’horreur d’un très mauvais cauchemar.
Une fantasy médiévale à laquelle on aurait greffé le Mythe de Cthulhu salé avec du Moorcock ou un mixte entre La Chair et le Sang et du Carpenter, si vous préférez.
Par exemple, j’adore qu’il y ait deux lunes dont l’une fait beaucoup au charme de l’étrange… et de l’horreur !
J’apprécie aussi que la magie soit relativement discrète mais non moins puissante et potentiellement corruptrice, ce qui colle parfaitement avec ce monde de fantasy désenchantée.
Je peux aussi comprendre que certains n’ai pas envie de se plonger dans ce monde après une semaine de travail bien morose dans le nôtre ! (Mais préférer des univers plus enchanteurs est aussi tout à leur honneur.)
Sinon, dès La Campagne Impériale (le premier volet de L’Ennemi Intérieur) tout est fait pour donner un cachet historique, crédible et « réaliste » au cadre de cette aventure. On a notamment une description détaillée de l’histoire, de la géographie, de la politique, des croyances, des modes de vie, etc.
Autant d’éléments qui vont permettre de s’immerger dans une ambiance rurale et urbaine médiévale « à l’allemande » avec toute la crasse, la criminalité et les maisons à colombages que l’on peut imaginer…
D’ailleurs, le choix du « cadre historique » est calqué sur celui de la Renaissance ou du Moyen-Age tardif dans le Saint Empire Romain Germanique plutôt que sur celui du Moyen-Age à proprement parler, avec également l’emprunt de divers éléments à d’autres époques.
Cela permet surtout d’étendre les possibilités en termes de jeu et de se démarquer encore une fois du "classique médiéval".
Par exemple, j’adore le fait qu’une grande partie de l’aventure puisse se dérouler sur l’eau en péniche et j’aime aussi les voyages en diligences ou l’emploi d’armes à poudre noire (attaquer une diligence sur les routes de l’Empire en mode western ? Essayez ! Ça n’a pas de prix ! Enfin si…vous pourriez le payer très cher).
Par ailleurs, si votre MJ fait aussi l’effort de prononcer tous les noms allemands avec l’accent qui va bien, je vous laisse imaginer l’ambiance très douteuse qu’il peut régner autour d’une table…
Les répurgateurs ? Ja ! Fotre MJ peut très bien les jouer comme ce que fous êtes en train de penser là maintenant ! Mais si fous le faites en tant que joueur, fous êtes certainement quelqu’un de très malsain…
Que dire sinon des différents volets qui forment cette grande aventure (sans rien dévoiler) ?
- La Campagne Impériale ? Une foire de champagne puis une sorte de Cluedo dans la ville. Ça vous tente ? Attention aux horreurs que vous pourriez y découvrir.
- Mort sur Reik ? Une ambiance fluviale incomparable, style « Renaissance et châteaux de la Loire » ou plutôt « château au bord du Rhin » sur un long fleuve pas tranquille.
- Le Pouvoir Derrière le Trône ? Une intrigue de cour et des complots politiques bien avant Game of Thrones.
- Il y a Quelque Chose de Pourri à Kislev ? Fort dépaysant et pas inintéressant mais très décalé et en marge du reste.
- L’Empire en Flammes ? Déjà la fin ? Ça sent le roussi. Vous préférez incontestablement la (vraie) version alternative : L’Empire en Guerre.
Voir Marienburg et mourir… Car rien ne vous empêche d’introduire la meilleure ville de l’univers de Warhammer dans la campagne de l’Ennemi Intérieur grâce au supplément Marienburg à vau-l'eau ou de carrément (faire) jouer la deuxième meilleure campagne de cette première édition: L'Agonie du Jour qui met en scène la célèbre cité portuaire.
Le Contrat Oldenhaller ?! C’est le scénario livré avec le livre de base et il a une place dans le cœur des vieux de la vieille. Il n’a pas un mauvais fond mais je lui trouve trop d’incohérences et je le remanie complétement à chaque fois. Je lui préfère des aventures parues ailleurs comme Une Nuit Agitée aux Trois Plumes ou Le Mariage de Nastassia que j’inclus systématiquement dans la campagne et dans lesquelles on peut y glisser beaucoup d’humour noir et décalé car c’est aussi ça l’esprit Warhammer.
Avec le recul, et comme je l’évoquais en introduction, je vois aujourd’hui certaines lacunes dans l’écriture de cette campagne et ceci indépendamment des deux derniers volets généralement considérés comme moins bons. Il serait trop fastidieux (et surtout beaucoup trop long) d’entrer dans tous les détails sans rien dévoiler mais ce que j’essaye de faire (entre autre) est de relier les différentes aventures par des liens plus forts, parfois plus cohérents en y impliquant aussi d’avantage les aventuriers dans les enjeux de l’intrique. Par exemple, je peux tisser certains liens entre ces enjeux et le passé ou les motivations des personnages-joueurs… Car il ne faudrait pas prendre tous les aventuriers pour des « boys scouts » ou pire pour des répurgateurs…
Sinon j’aime toujours autant certaines représentations artistiques, en particulier celles de John Blanche. A mes yeux, elles sont comme un filtre de vision véritable sur la réalité de ce Vieux Monde qui en ferait apparaître toute la noirceur et l’horreur.
De prime abord cela pourrait paraitre étrange mais j’ai moins accroché à l’univers (et à l’ambiance) dépeint dans le jeu de figurines Warhammer Fantasy Battle. Du moins, tel que beaucoup peuvent aujourd’hui le concevoir…
Mais c’est pourtant le même univers !?
En apparence seulement car je crois bien que trop de John Blanche a tué le John Blanche. Ou alors c’est moi qui ai fait une overdose du style et de son sens esthétique…
Plus sérieusement (ou plus objectivement), il faut surtout retenir que les deux univers ont évolué différemment.
- D’une part, on a celui de cette première version du jeu de rôle qui vient bien du jeu de figurines des années 80. Les deux évolueront plus ou moins dans la même veine jusqu’à la quatrième édition du wargame (1992).
- D’autre part, l’univers du Warhammer Battle tel qu’il est (presque définitivement) établit à la fin des années 90, qui aura cours pendant les années 2000 et tel que beaucoup peuvent le concevoir aujourd’hui (même en étant quelque peu étrangers à l’univers).
Pour ma part, je trouvais que l’univers dépeint aux travers des Livres d’Armées du wargame durant cette dernière période n’était qu’un prétexte pour se mettre sur la gueule (bon c’était le but en même temps, pourrait-on me rétorquer). Indépendamment de la qualité du jeu et de la beauté des figurines, construire ou développer un univers avec un tel prétexte me le rendait moins convaincant. (Merde je sens déjà l’odeur du bûcher que l’on me prépare ! Vous ne voulez pas qu’on parle de la Bretonnie d’abord ?) Difficile de définir ou de mettre des qualificatifs sur un type de fantasy mais je pourrais qualifier celle de Battle de « dark high fantasy » dans le sens "sombre mais un peu trop clinquante et un peu moins subtile", si vous me permettez.
Pourtant, quand on sait que l’un de mes wargames préférés est Mordheim (1999) où en plus Blanche y met toute sa folie créatrice, voilà un beau paradoxe ! Mais cela s’explique par les « bribes rôlistique » que l’on peut y trouver : jeu d’escarmouches/ cadre urbain « médiéval »/scénario/ personnalisation et progression des personnages. Après, je ne crache pas (complètement) sur Battle, j’ai découvert tout cet univers grâce à HeroQuest puis avec le Battle V4 et V5 qui ont toujours une grande place dans mon cœur.
Sinon, pour conclure sur l’univers et l’ambiance de cette première version du JDR et de sa fameuse campagne, j’apprécie surtout quand l’élément fantastique (aussi bizarre et horrifiant soit-il) est introduit dans un cadre « historique » avec une certaine volonté de « réalisme » car il n’en est que plus fort quand il surgit enfin. De plus, un univers encore en esquisses laissait aussi une part importante à l’imaginaire et à l’imagination…
Alors c’était mieux avant ?
Au risque de surprendre tout le monde, la dernière version du jeu de rôle (v4) est très bien !
Avec un système bien plus clair et simple (qui reprend, grosso modo, celui de la V2 auquel je n’ai pas jouée car l’univers était celui du Warhammer Battle des années 2000), elle revient surtout à l’esprit de cette première édition mais dans un nouveau style graphique mais sans la patte John Blanche. Les illustrations sont pourtant à tomber par terre ! (Vu le niveau qu’on trouve dans la concurrence et chez D&D en particulier, il n’y avait pas le droit à l’erreur.) Le tout rend l’univers plus accessible et comestible pour une nouvelle génération de joueurs mais ne déplaira (peut-être) pas à l’ancienne. Et c’est un gars antimoderniste comme moi qui vous dit ça…
En tout cas, cette V4 reprend aussi la campagne de L’Ennemi Intérieur en renforçant quelque peu la cohérence de l’ensemble. Excellent !
J'ai préféré néanmoins acheter la version anglaise (le rythme des sorties et la traduction en français n’était pas au top mais ils viennent enfin de redresser la barre). Je vous laisse imaginer pour un francophone de lire en anglais et de prononcer tous les noms propres en allemand (et oui je suis un puriste).
Pour conclure, on pourrait reprocher mille défauts à la V1 (surtout à postériori) notamment au niveau du système de règles (la magie précisément) mais ce goût inimitable non tinté d’un brin de nostalgie fait de ce Warhammer et de sa fameuse campagne le meilleur JDR sur table auquel j’ai joué et je vous le recommande chaudement !
Si vous voulez en savoir plus sur cette première version, je vous recommande aussi l’excellent blog de Waros (qui contient notamment un article sur l’état d’esprit des concepteurs lors de la création du jeu et de son univers) et celui bien connu (et tout aussi excellent) du Verrah Rubicon.