Fenêtre sur cour où il ne se passe rien

Mon premier livre de Beigbeder est bien mal placé dans la continuité de mes découvertes puisqu'il précède L'idiot de Dostoievski. J'ai d'ailleurs pris Windows on the World puisque je voulais quelque chose de plus rapide (l'idiot m'a quand même pris presque trois mois ; c'est un minimum pour lire et essayer de comprendre lorsque l'on n'est pas un étudiant en lettre ni philo). L'avantage évident, c'est que pour le lecteur lambda que je suis, Beigbeder agit comme un souffle de dynamisme après Dostoïevski. Le livre est plus lisible, les idées sont plus aisées à aborder, les personnages sont plus cernables (pardonnez moi ce néologisme). Les mauvais points sont les mêmes.

Beigbeder est plus lisible car il a moins de style. Quelques belles tournures à quelques rares passages soignés, sinon, Beigbeder se perd dans un style qui ne m'inspire pas. Me repoussent par ordre croissant le Franglais, la construction des dialogues, les métaphores un peu malheureuses et surtout l'insupportable tendance du siècle à confondre le subversif et le vulgaire.

Les idées sont plus aisées à aborder car elles sont rares. Le métadiscours que l'on pourrait retenir autour du livre est l'idée de la vie absurde ; celle de ces gens qui périrent au sommet des tours et qui n'auront durant ces quelques minutes que le but d'exister. Le livre semble se parer d'un unique but aussi : exister. Au delà, peu d'ambitions, moins de réflexions : J'existe donc j'existe.

Les personages sont au nombre de quatre. Je vais les aborder dans l'ordre croissant de la place qu'ils occupent dans le roman :

Le premier fils du protagoniste, qui témoigne de l'absence d'innocence de l'enfant, car il grandit (et c'est peut-être ici le seul point où je me risquerai à dire que Beigbeder surpasse l'auteur précédent qui voit en l'enfant l'infinie candeur). Quelques minutes lui sont dédiées (les chapitres sont des minutes dans le livre) et nous offre un point de vue - où plutôt le point de vue - intéressant de l'ouvrage.

Le second fils est plus jeune, plus "innocent", plus fragile mais plus optimiste. Ses chapitres dédiés nous font entrevoir l'image du père comme du super-héros. Là, Beigbeder s'amuse à partir dans tous les sens avec tous les termes possibles et imaginables de super-pouvoirs et autres délires. Un spectacle qui malheureusement n'amusera que lui et qui sonne un peu comme du remplissage au milieu du reste.

Le père, piégé avec ses deux fils, simplement humain parmi d'autres humains. Il y a peu de choses à en dire puisque son personnage est simplement l'ombre de

Beigbeder lui-même, qui occupe la moitié de l'histoire. Nous racontant ses anecdotes lors de l'écriture de l'ouvrage (quelques chapitres depuis le sommet de la tour Montparnasse, puis un voyage à New York), Beigbeder semble se redécouvrir au travers du livre. Le problème c'est que ce même homme se fait larguer en milieu d'ouvrage et dès lors, ça devient quelque peu geignard. L'ensemble est maladroitement narcissique ; l'auteur semble le remarquer et ne cesse de se fustiger, rendant le livre encore plus égoïste.

Et pourtant, abordé d'un certain point de vue, le livre gagne en intérêt. Beigbeder représente, pour moi, un type comme tant d'autres, un reflet de l'humain standard ne possédant ni génie ni sagesse absolue ni tares irrémédiables : simplement un artiste comme chacun pourrait le devenir. Dès lors où l'on accepte de considérer l'auteur comme un homme banal, on accepte ses faiblesses et ses démons, et on se dit simplement que cet homme n'est pas à sa place, et il sembl(ait) le savoir lui-même.

Le livre n'est pas une franche réussite (il l'écrit d'ailleurs lui-même en début de roman : son livre est bâclé). Sa plus grande tare est sans doute que la profondeur du livre de se remplit pas d'idées mais d'égo. Mais je pardonne beaucoup à Beigbeder car au fond, n'importe qui aurait pu être Beigbeder et dès lors que l'on accepte de lire le livre de ce n'importe-qui, il s'en dégage l'humanisme que l'auteur lui-même a pourtant peine à décrire.

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le 24 mai 2014

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LeCactus

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